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Ruades et coups de sabots
par Hamid Dahmani
Les dictons
populaires ont trouvé leur source dans les origines sociales. Pour cela, les
anciens se sont inspirés dans le passé de la réalité pour trouver le juste mot,
pour décrire et donner une morale pour chaque type de situations. Et parmi ces
sages dictons du terroir classés dans le lexique populaire, il y en a un dont
on se sert comme proverbe et qui dit : ?'Les mulets se sont rués entre eux et
c'est l'âne qui a encaissé le coup de sabot''. Comme quoi, dans ces moments
injustes de notre existence, c'est toujours les plus malchanceux qui paient les
pots cassés, ou la mauvaise humeur des autres. Les plus puissants font
d'énormes bêtises dans leurs décisions politiques et c'est toujours les
innocents qui ne sont pas associés à leurs projets bidons
qui font les frais de cette précipitation hasardeuse. Les gens ne sont jamais à
l'abri des ruades ou des tuiles qui peuvent leur tomber du ciel. Les infortunés
dépendent du bon vouloir des têtes de mule qui crânent et qui décident à leur
place. Les pauvres victimes ne savent pas à quel saint se vouer. Dans cet
immense territoire connu pour son injustice, les ruades et les coups de sabots
sont légende. Aussi, pour asseoir son autorité, il faut trouver des victimes.
Et les plus fragiles sont les cibles idéales de ces coups de sabots. Les
muletiers et les hauts placés se chamaillent entre eux, et c'est leur entourage
qui récolte les coups. Il y a une autre citation qui dit que «le mal est un
mulet, il est opiniâtre et stérile». Les équidés font des siennes et c'est le
pauvre baudet qui est assommé par le coup de sabot perdu. Il arrive souvent que
les quadrupèdes se donnent des coups de sabots entre eux, et ils ne se font pas
de cadeaux, et envoient au tapis leurs semblables pour défendre la ligne rouge
à ne pas franchir. C'est ce qu'on appelle subir les foudres d'un bon coup de
sabot bien ferré. Les bipèdes n'échappent pas à cette règle et se donnent des
coups de poings et des coups de pieds pour marquer leurs espaces gardés. Depuis
le temps, ce sont les arrogants mulets qui nous gratifient de coups de sabots
bien placés, et nous font tourner en bourrique dans ce cauchemar qui n'en finit
pas. Les abrutis sont forts comme des mulets mais ils raisonnent comme des
benêts. « Eloignez-vous de notre espace, si vous ne voulez pas goûter aux coups
de sabots », nous sermonnent les rueurs. Quand on se réjouit des malheurs de
quelqu'un, on le fait savoir dans le jargon du pays par la réflexion suivante :
«sakou bghal !». C'est bien
fait pour les convoiteurs. Il n'y a que les ânes et les mulets qui nient leurs
origines, dit la sage citation. Les ruades avec les coups de sabots sont une
tradition chez les plus puissants de cette contrée. Recevoir un coup de pied au
derrière, en guise de renvoi, est une formule qui signifie : va voir ailleurs
si j'y suis. Etre fort et solide comme un mulet n'arrange pas la vie du baudet
qui est le sujet des histoires péjoratives. Dans ces moments d'austérité, notre
économie « sak'ha bghal »,
parce qu'elle était distraite et étourdie dans son fonctionnement de
désinvolture. Aussi, il faut s'attendre à des mouvements de mulets et à des
lancers de ruades hasardeuses dans les prochains jours?
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