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Accord historique d'Alger: Quand l'Opep parle d'une seule voix

par Ghania Oukazi

«Nous avons tenu une longue et historique réunion à Alger, nous remercions fortement le Président Bouteflika de nous avoir donné cette opportunité,» a déclaré le président de la séance, le ministre qatari de l'Energie.

Cette déclaration a été faite à l'ouverture de la conférence de presse organisée à l'issue de la réunion des ministres de l'Energie des pays membres de l'OPEP, en présence de leur secrétaire général. Un point de presse qui a eu lieu, mercredi dernier vers 21h30, au Centre international des Conférences (CIC) ?Abdelatif Rahal', de Club des pins. Programmée comme informelle, la réunion s'était transformée en extraordinaire sur demande des ministres au SG de l'OPEP puisque le règlement intérieur de l'organisation le permet. Ils l'ont voulu, ainsi, parce qu'ils étaient unanimes à vouloir prendre une décision pour stabiliser le marché pétrolier mondial. «Cette opportunité (la réunion ndlr) en Algérie qui nous est très chere (nous a permis) d'aboutir à ce résultat très important pour nous, pour la Communauté internationale et pour le monde entier, » a dit encore le Qatari Mohamed Bensalah Alssada. «Aujourd'hui, la réunion a été dirigée par un agenda qui reflète une cohérence très forte entre les membres de l'OPEP (?),» a-t-il précisé. Il a expliqué que «nous avons essayé de pousser très fort l'équilibre du marché avec une excellente compréhension, nous sommes parvenus à un résultat pour une réduction de la production pour la maintenir entre 32,5 et 33 millions de barils/jour.» Ce qui équivaut, selon les experts, à une réduction de près de 980.000 barils/jour qui doit être partagée, pour être supportée par l'ensemble des pays membres de l'OPEP.

Décisions à Alger mises en œuvre à Vienne

Le président de la réunion d'Alger avait annoncé qu'il y a eu entente pour qu'un comité spécialisé soit mis en place pour étudier le mécanisme qui permet de quantifier les quotas à diminuer de chaque pays producteur. Mécanisme qui sera, a-t-il noté, présenté le 30 novembre prochain à Vienne (Autriche) lors de la réunion ordinaire des pays membres de l'Organisation. La réunion d'Alger chargera le comité de suivi «d'entrer en contact avec les pays OPEP et hors OPEP pour avoir un accord pour que le processus global de rééquilibrage du marché soit accéléré par le partage de la charge de l'ajustement de la production OPEP, au même titre que celle des pays (hors OPEP) qui ont montré leur volonté de coopérer à cet effet. » Ce résultat a été atteint grâce, a dit le président de la réunion d'Alger, le ministre Qatari de l'Energie, « aux orientations du Président Bouteflika, du Premier ministre, Sellal, et au ministre de l'Energie, Bouterfa qui, pour la première fois, depuis sa nomination en tant que ministre de l'Energie dans le gouvernement algérien, assistait à une réunion de l'OPEP.» Ce qui équivaut à un coup d'exploit pour le staff dirigeant, en ces temps de pré-campagne électorale, des législatives de 2017 et même au-delà, de l'élection présidentielle de 2019.

Mohamed El Hamel, haut cadre de l'Energie avait noté, dans sa lecture du communiqué, sanctionnant la réunion « les défis que s'impose le marché pétrolier mondial après la baisse drastique de ses prix, provoquant le déclin dramatique de beaucoup de pays et nombreuses sociétés, ainsi que de toute l'industrie, qui a connu des coupes de revenus parce que la production ne pouvait pas répondre à ses demandes d'investissement.» Le comité de suivi devra, pour toutes ces raisons «développer un cadre de concertation de haut niveau avec les pays OPEP et hors OPEP, pour consacrer la durabilité du marché mondial.»

Bouterfa gagne en notoriété

Le ministre qatari avait précisé que durant la réunion, il n'y a pas eu de discussions bilatérales entre l'Iran et l'Arabie Saoudite, deux pays dont les divergences risquaient de faire capoter les grandes ambitions de l'OPEP, pour revenir à un prix « raisonnable » du baril. Premier gagnant en notoriété parce que mis au devant de la scène, Nouredine Bouterfa qui en est sorti grandi grâce à ces prouesses conclues par la réunion d'Alger, a mis en exergue dans ses déclarations, la reprise en main par l'OPEP de sa fonction originelle de monitoring (gestion et assistance) pour stabiliser le marché pétrolier mondial. « L'OPEP vient de se réapproprier sa fonction de monitoring, parce qu'il y a eu un consensus entre tout le monde, » avait déclaré Bouterfa, lors de la conférence de presse. Il a surtout noté que pour tout cela « un grand travail de rapprochement a été fait, les pays ont été unanimes et sans réserves. » Il ajoute que « l'OPEP a parlé avec une seule et unique voix. » Le rapprochement de vues et positions, évoqué par le ministre, ne s'est pas fait, en toute évidence, durant la réunion d'Alger, même si elle a duré de 15h à plus de 20h. La cadence des contacts avec les pays OPEP et hors OPEP a été accélérée, à partir de 2014, année à laquelle beaucoup de ces pays avaient accepté de se réunir à Alger dans le cadre de la 15ème édition du Forum international de l'Energie.

Quand le politique joue à plomber l'Economique

Politiques, technocrates, diplomates, tous ont été dépêchés par le chef de l'Etat pour prêcher la bonne parole de l'impérative nécessité de stabiliser le marché pétrolier et amener le prix du baril à un niveau appréciable. C'est ce qui avait donné de grandes assurances aux responsables algériens sur l'aboutissement « positif » du rendez-vous du CIC. Ce n'est d'ailleurs qu'à la fin de la réunion d'Alger, que l'immense optimisme affiché par Bouterfa, lors de la conférence de presse qu'il avait animée, dimanche dernier, 24h avant l'ouverture des travaux du FIE et de l'OPEP, a été saisi et compris par les observateurs et aussi par les médias nationaux et internationaux. Les déclarations des uns et des autres membres, leur affirmation sur l'absence de décision dans un cadre informel (celle du ministre iranien) avant et pendant ces réunions, ont été de la simple surenchère pour tenir en haleine le monde entier. Il faut croire qu'une fois lancées, elles avaient apporté leur fruit de supputations notamment pessimistes à travers le monde. Comme si l'économique avait cédé le pas au politique divergent. Les dépêches faisant part «d'échec», de «mésentente» ont été vite envoyées sur les fils des médias nationaux et agences internationales. L'on dirait que les membres de l'OPEP se plaisaient à jouer à un jeu de trouble- fêtes, à Alger. Et même si les discours d'ouverture de la réunion de l'OPEP ont été émaillés de propos prometteurs et apaisants, le suspens a été entretenu jusqu'au bout, jusqu'à la sortie des participants à la réunion dans la soirée de mercredi dernier.