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Belgique ? France: Conflit de voisinage

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Des policiers belges accusés d'être des passeurs de migrants «clandestins» arrêtés et interrogés par leurs collègues français. Les deux pays ont frôlé l'incident diplomatique.

Une histoire aussi absurde que comique survenue mercredi dernier, mettant aux prises les polices belge et française jusqu'à frôler l'incident diplomatique : des policiers belges ont reconduit des immigrés «clandestins» du territoire belge vers celui de la France. Rien d'exceptionnel, à première vue, sauf que des policiers français ont interpellé et arrêté les policiers belges, sans se soucier, bizarrement, des 13 immigrés clandestins d'origines diverses, notamment syrienne.

Touchés dans leur ego professionnel, les collègues policiers belges ont menacé de faire grève s'ils n'obtenaient pas les excuses officielles de la police française et même du ministère des Affaires étrangères français. C'est un peu le remake du film-comédie franco-belge «Rien à déclarer», du cinéaste Dany Boon sorti en 2010 qui conte les aventures d'une brigade mixte des polices belge et française chargées d'assurer l'ordre sur la frontière commune nord des deux pays. A la différence que la trame du film-fiction est sous-tendue par une histoire d'amour alors que dans le cas de l'épisode de mercredi, bien réel, est marqué par un conflit et une surenchère «nationaliste» pour le coup entre deux corps de sécurité de deux pays voisins et amis.

L'explication des policiers belges est en apparence si humaine qu'elle a conquis le cœur des Belges et des Français: ils ont croisé 13 migrants, en errance, en Belgique à quelques kilomètres de la frontière française. Interrogés les migrants ont affirmé être perdus et vouloir rejoindre la région française de Calais, pour rejoindre la Grande-Bretagne. Obéissant à leur devoir « humanitaire, les policiers belges les ont reconduits en territoire français, les abandonnant dans un champ de maïs tout en leur indiquant la direction de Calais. Malheureusement, le paysan propriétaire du champ de maïs a assisté, intrigué, à la scène et appelé la police française. Des policiers français ont intercepté non pas les migrants (tant mieux pour eux) mais les policiers belges, les ont désarmés, menottés, embarqués et interrogés au commissariat durant cinq heures. Alerté, le ministre de l'Intérieur français a convoqué l'ambassadeur belge, à Paris, pour une explication. Ce dernier a certainement évoqué les accords de coopération belgo-français permettant la constitution de brigades mixtes de policiers, entre les deux pays et l'incursion réciproque dans l'un ou l'autre territoire, en cas de besoin. Interrogé, le ministre de l'Intérieur belge s'est emmuré dans le silence mettant mal à l'aise le corps de police de son pays qui menace d'une grève si des excuses officiels ne sont pas présentées aux Belges.

Pour amortir l'absurdité de ce conflit, des commentateurs belges et français expliquent, via les médias, que l'accord belgo - français sur la coopération policière souffre d'imprécision et de vide juridique, pour son application. C'est une sorte de convention qui laisse libre cours aux polices frontalières des deux pays, dans son interprétation et son application circonstanciée. Conclusion: chaque police de chaque pays fait tout pour ne pas avoir à gérer la présence de migrants dits clandestins, sur son territoire et les renvoie à l'autre. Mais l'argument suprême des Français est que des mineurs d'âge faisaient partie du groupe des « 13 ». Les lois et conventions internationales obligent le pays d'accueil à les protéger et à les prendre en charge.

C'est ce qu'a fait la police française tout en laissant libres les migrants adules. Toujours est-il que les policiers belges n'ont pas digérer leur aventure qu'ils assimilent à une humiliation: désarmés, menottés et interrogés par leurs collègues et voisins français, voilà une situation qu'ils n'ont jamais songé vivre.