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Dossiers de corruption: «Les portes de la justice sont ouvertes»

par Yazid Alilat

Suffit-il de mettre en place un organe chargé de lutter contre la corruption pour que ce fléau économique et social soit éradiqué à court ou moyen terme ? La mise en place et la nomination des membres du nouvel organe national de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLCC) interviennent à un moment où les scandales des pots-de-vin touchant certaines institutions économiques deviennent inquiétants et décrédibilisent l'action des pouvoirs publics pour lutter contre ce phénomène. Cette question de l'efficacité ou de la finalité politique, sociale et économique de ce type d'organes se pose, car l'ONPLCC a été déjà précédé par la commission nationale de prévention et de lutte contre la corruption en Algérie, mise en place le 4 janvier 2011 et présidée alors par M. Brahim Bouzeboudjene, et composée de magistrats et militaires à la retraite. Depuis, entre 2011 et 2015, les scandales liés à la passation frauduleuse de contrats et de marchés en particulier dans les grands projets d'infrastructures de transport et des hydrocarbures avaient été éventés. De plus, peu d'informations ont été données sur le sort des dossiers des 82 affaires de blanchiment d'argent, documentés entre 2005 et 2015, et envoyés à la justice par la Cellule de traitement du renseignement financier (CRTF), dépendant du ministère des Finances. Selon un bilan du CRTF établi en 2015, la plupart de ces dossiers ont été constitués sur la base des déclarations de soupçons émanant des banques ou des Douanes. Dès lors, en quoi la mission de l'ONPLCC diffère-t-elle de son ancêtre, la commission de lutte et de prévention de la corruption en Algérie, et plus spécifiquement de la CRTF, toujours en fonction ?

Jeudi à l'Assemblée populaire nationale (APN), le ministre de la Justice Tayeb Louh avait, en réponse à un député sur les missions de l'ONPLCC, affirmé que «le code de procédure pénal est clair sur le rôle des parquets dans la lutte contre la corruption'', ajoutant que ?'leurs portes sont ouvertes à tous ceux qui ont des dossiers sur la corruption». ?'Nous sommes en train de construire une justice forte conformément aux orientations du président de la République, Abdelaziz Bouteflika», précise le garde des Sceaux. L'intervention du ministre de la Justice sur ce dossier est intervenue alors que dans la même journée le président et les membres de l'ONPLCC ont prêté serment à la Cour d'Alger, en présence de plusieurs hauts responsables.

La mission principale du nouvel organe algérien de lutte et de prévention contre la corruption dont les membres ont été nommés récemment par le président de la République est de proposer et de contribuer à animer une politique globale de prévention de la corruption.

L'article 202 de la Constitution stipule qu'»il est institué un Organe national de prévention et de lutte contre la corruption, autorité administrative indépendante placée auprès du Président de la République et jouissant de l'autonomie administrative et financière». Les membres de cet organe, selon le même article de la Constitution, sont protégés contre ?'toute forme de pression ou d'intimidation, de menaces, outrages, injures ou attaques de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l'objet à l'occasion de leur mission».

L'ONPLCC est notamment chargé de «proposer et de contribuer à animer une politique globale de prévention de la corruption, consacrant les principes de l'Etat de droit et reflétant l'intégrité, la transparence ainsi que la responsabilité dans la gestion des biens et des deniers publics». Dès lors, sa mission reste une sorte de veille et de recueil d'informations sur la corruption en Algérie, la documenter et faire un rapport au chef de l'Etat. Qui sera seul à décider de la suite à donner au rapport de l'Organe de lutte et de prévention contre la corruption. L'Algérie a signé la Convention des Nations unies contre la corruption, le 9 décembre 2003, et, dans le cadre du mécanisme d'évaluation de la mise en œuvre de cette convention, l'Algérie a fait l'objet en 2013 d'une évaluation par les pairs au titre du premier cycle d'examen qui a porté sur deux chapitres de la Convention des Nations unies contre la corruption, à savoir «l'incrimination, détection et répression» et «la coopération internationale».

L'ONPLCC est-elle en mesure, a-t-elle le pouvoir de ?'donner un coup de pied dans la fourmilière'' ? Selon le rapport 2015 de Transparency International, l'Algérie se classe à la 88e position sur une liste de 168 pays. Classée en 2014 à la 100e place, l'Algérie a gagné 12 places, mais sur un nombre plus important de pays, le classement 2014 s'étant fait sur la base de l'indice de corruption établi par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement ou le Forum économique mondial pour 175 pays.