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Lettre à François Hollande

par Betoule Fekkar-Lambiotte

Monsieur le Président,

La détérioration de l'image de l'Islam, deuxième religion de France, sur fond d'amalgame savamment entretenu, fait que je m'adresse directement à vous, Monsieur le Chef de l'Etat.

Comme vous le savez peut-être, j'ai été désignée, en Novembre 1999 par Monsieur le Ministre de l'Intérieur de l'époque pour faire partie du «Collège des Personnalités qualifiées» auprès des délégués des grandes fédérations et des mosquées pour construire un futur CFCM.

J'ai démissionné de cette consultation au bout de trois ans et demi, en Février 2003, déçue par les intrigues et les ambitions politiques multiples. Seize ans et demi se sont écoulés pendant lesquels l'échec notoire dudit CFCM est devenu affligeant. Or, en seize ans et demi, le temps d'une génération, la communauté musulmane s'est dotée d'une élite de femmes, d'hommes, de convertis, de jeunes, ou plus simplement de sympathisants de l'Islam. Elle est composée de philosophes, chercheurs, islamologues, médecins, juristes, sociologues, journalistes, artistes, ouvriers, chefs d'entreprise... que vos services connaissent bien. Mais aucune place n'est réservée aux jeunes générations, proie des tentations de radicalisation. Pourquoi ne pas s'adresser à ceux qui sont directement concernés par l'évolution de leur religion ? Pourquoi cette «Fondation Pour l'Islam de France» n'écouterait-elle pas la voix des jeunes ? Sachez bien que ce qui est fait pour nous mais sans nous est perçu comme étant fait contre nous.

Notre jeunesse a besoin de sentir, de constater que la France lui fait confiance. Je pense aux nombreux travaux remarquables d'intellectuels musulmans, à ces jeunes, tous Français. Donner la parole à ceux qui ne peuvent se produire dans les médias, et expliquer à un large public que la nature même de l'Islam est non seulement religion, mais également comportement social. Ceci permettrait d'éviter de nombreux malentendus. Aider à la construction d'un Islam adapté à la modernité serait, certes, plus productif que les débats sur le voile ou le burkini.

Provoquer des travaux sérieux sur l'Islam dont la tolérance à la laïcité est réelle mais peu connue, participerait de façon évidente à la grandeur de la France.

Je vous prie d'excuser l'audace dont je viens de faire preuve en vous écrivant directement, mais ma révolte et ma souffrance sont grandes.

Cependant, veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de mon profond respect.