Que
s'est-il donc passé, Miloud, pour que tu nous quittes de façon aussi brutale,
inopinée, alors que la veille de ta mort, nous étions encore ensemble, en train
de refaire le monde, d'évoquer Jacques Lacan, dont tu étais en admiration, en
raison de sa profondeur intellectuelle, et d'autres penseurs que tu connaissais
à merveille. Toi, l'artiste, profondément passionné par la musique et la
guitare, la peinture et la culture en général, tu as, contre vent et marée,
toujours défendu avec force et sans concessions, les humbles de ce monde, ces
gens de peu que tu respectais profondément. Tu me disais que c'est d'abord dans
nos pratiques quotidiennes, dans nos postures à l'égard de l'Autre, qu'il est
possible d'évoquer ce que veut dire le sens humain de la personne, et non pas
dans la rhétorique et le verbiage. Tu étais toujours égal à toi-même : généreux
et profondément humain, n'hésitant jamais à mettre la main à la poche pour
aider les enfants africains qui n'ont que la mendicité pour tenter de survivre?
Ta sensibilité d'artiste se traduisait dans ton comportement au quotidien. Rien
ne semblait t'échapper. Tu étais rompu à exercer une observation fouillée sur
tout ce qui t'entourait. Je n'oublierai jamais avec quelle fierté tu m'as fait
l'honneur de me faire visiter ton atelier de travail. Tes yeux brillaient de
bonheur en me montrant certains de tes tableaux de peinture. C'était ton espace
à toi, fortement marqué de tes empreintes, où tu pouvais, en toute liberté,
dérouler dans l'intimité, ton art. Tu laisses une œuvre, Miloud ! Artiste, tu
l'étais dans l'âme, doublé d'un engagement politique sans équivoque, refusant
tous les dogmes, les vérités toutes faites, et les différents terrorismes, pour
t'appesantir sur la nécessaire réflexion critique, rigoureuse et distante qui
s'interdit toute polémique peu nourrissante intellectuellement, pour ne retenir
que les idées fortes qui te semblaient essentielles pour tenter de comprendre
notre monde. Ta perte est cruelle. Tu laisses un grand vide derrière toi.
Adieu
l'artiste !