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Tiaret: Une journée presque ordinaire de ramadhan

par El-Houari Dilmi

Jeudi, onzième jour du ramadhan, 13h. Le climat est doux, et le ciel couvert. Il fait même frisquet, au plus grand bonheur des rares silhouettes arpentant, la démarche avachie, la partie nord de la ville, la moins peuplée de la giga-cité. Au carrefour « Régina », en plein centre-ville, un automobiliste, l'air heureux, arrêté à un feu rouge, montre du doigt à un policier en faction son thermomètre qui indique 21°C. Dans la partie nord de la ville, de la « place Rouge » jusqu'à Erras Essoug, la circulation est fluide. Près du siège des ex-galeries algériennes, des voitures garées en deuxième, voire troisième position intriguent les badauds. Renseignement pris, l'on saura qu'il s'agit d'une chaîne humaine formée devant un magasin qui vend de la « charbet », un breuvage prisé par les jeûneurs, et réputée comme étant le meilleur de toute la ville. Au rayon des fruits et légumes, si les prix ont pris l'ascenseur la première semaine du mois de carême, une certaine accalmie est observée après la première décade du mois de tous les soucis. Véritable vedette de la table du f'tour cette année : la pastèque. De 130 DA le kg au début du mois de carême, son prix a chuté jusqu'à 60 dinars ce jeudi, sans pour autant attirer le chaland, jugeant son prix encore trop élevé. « Soyez patients mes amis, vous allez voir, la pastèque va chuter jusqu'à 20 DA le kilo dès la semaine prochaine », parie Khalifa, qui semble bien connaitre les arcanes des gens de la terre. Au rayon des légumes, la tomate continue à culminer à 120 DA le kilo, le « fruit du pauvre », la pomme de terre à 50 DA, talonnée par la carotte à 60 DA, sans parler des haricots verts à 160 DA le kilo. Les dattes, indispensables pour la meida du f'tour, oscillent entre 600 et 1200 DA pour la qualité supérieure, les pêches à 500 DA ou encore les cerises au prix « impossible » de 900 DA la livre. Sur les étalages des bouchers, c'est encore le feu, jugez-en : si le poulet se maintient à des prix raisonnables, autour de 260 DA le kilo, la dinde caracole à 480 DA, le bovin à 900 et la viande ovine jusqu'à 1350 DA le kilogramme.

Au rayon de la « chose de l'esprit », rien à signaler. « Le ramadhan a tellement perdu de son charme, jusqu'à son sens le plus élémentaire, que tout le monde se contente de faire comme tout le monde, en attendant les bonnes ripailles de la soirée, sans plus?», commente, l'air dépité, Amar qui convoque ses souvenirs de ces ramadhans certes caniculaires des années quatre-vingt mais autrement plus savoureux tellement l'ambiance et même les gens et les mœurs étaient autres », soupire-t-il. Pour le reste, quoi d'autre à dire à part, peut-être, cette nette baisse des vols en tous genres et de toutes sortes, qui rassure la population locale, le commerce à la mode du pain syrien, qui détrône le fameux pain «volcan», variété locale si prisée que tout le monde s'arrachait, il n'y a pas si longtemps de cela, à 25 dinars pièce. Après le f'tour, si les visages reprennent des couleurs, les veillées ramadhanesques sont longues, trop longues et insipides comme une «chorba b'lech». Au «silence radio» du côté de l'animation culturelle et artistique répond une ville «dévidée», comme lassée de vivre. Même le temps, plus clément le soir, et la bonne couverture sécuritaire de la ville ne semblent pas emballer une giga-cité qui a désappris à vivre? Seuls les cafés, places publiques et autres espaces verts, sont bondés par des couche-tard qui se shootent au café et autre thé jusqu'à risquer une insomnie chronique?

En attendant «l'estocade» de l'Aïd et ses grands soucis financiers qui pointent, déjà, à la porte?