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Retour à l'âge de pierre

par Mahdi Boukhalfa

Le gouvernement Sellal est face à un gros problème social: sa décision de supprimer, pour manque d'argent, la retraite anticipée et proportionnelle, a provoqué la colère des travailleurs de l'éducation nationale. En particulier leurs syndicats, qui dénoncent cette décision et affirment qu'ils vont se battre pour le maintien de ce petit privilège corporatiste. Pourquoi? L'explication est simple: en 25 ans d'exercice, un enseignant est fourbu, laminé, à bout de force, stressé et sujet à des maladies professionnelles graves. Donc, un enseignant n'a en Algérie qu'une durée de vie de 25 ans, au delà, il ne peut plus donner, vu qu'il a contracté des maladies qui l'empêcheront d'être opérationnel à 100%. C'est un argument valable, qui sous entend également qu'il y a à la base un système de renouvellement de compétence par une main-d'oeuvre fraîche qui se présente sur le marché du travail. Mais, a contrario, le gouvernement dit qu'il ne peut plus payer ces départs à la retraite anticipée ou proportionnelle, car d'une part il n'a plus les moyens d'offrir cette gâterie aux enseignants, et, d'autre part, il s'aperçoit soudain, longtemps après 1962 et l'Indépendance nationale, qu'il y a une injustice sociale entre les travailleurs algériens, qu'il veut corriger en les alignant tous à 60 ans pour partir jouir d'une retraite à l'ombre des figuiers du bled, pour ceux du moins qui ont un lopin de terre dans les montagnes. La solution de facilité du gouvernement est cependant factice, et un trompe-l'oeil, qui ne peut tenir la route. Même si on ne retient pas le fait que l'UGTA ne représente rien dans le secteur de la fonction publique et l'éducation nationale, force est de constater que le gouvernement fait fausse route.

Il navigue à vue, comme diraient les experts. Car au lieu de créer des postes de travail, d'être offensif sur la création de PME en atomisant les réticences et autres blocages des banques aux demandes des investisseurs, en ouvrant le jeu sur tous les secteurs productifs, le gouvernement va là où c'est facile, c'est-à-dire les solutions de facilité. Pourquoi supprimer la retraite anticipée, et la proportionnelle, en invoquant le manque d'argent, alors qu'en face ce même exécutif ne fait rien pour créer des postes de travail, et donc des cotisants en puissance à la CNR, à la CNAS. A vrai dire, on sent qu'on est dans une impasse freudienne, kafkaïenne, à l'algérienne, comme ce sinueux chemin qui ne mène qu'à des travers sans lendemains. Car si on touche aux acquis des travailleurs, demain on y ira encore plus. Comme mettre les travailleurs dehors, faute d'argent pour les payer. Cela s'est déjà passé au milieu des années 1990. S'il n'y avait pas le pétrole, on serait peut-être revenus à l'âge de pierre.