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Retraite anticipée et proportionnelle: Aucun changement pour le moment selon la CNR

par Yazid Alilat

Refusée sine die et dénoncée par les syndicats indépendants du secteur de l'administration publique et de l'éducation nationale, la décision du gouvernement de porter l'âge légal du départ à la retraite à 60 ans et la fin de la retraite proportionnelle ne semble pas pour le moment faire l'objet d'une application immédiate. Le gouvernement est-il en train de reculer ? Selon la direction générale de la Caisse nationale des Retraites (CNR), le départ à la retraite proportionnelle et anticipée est toujours en cours, et les dispositions y afférentes n'ont pas été changées. En fait, la CNR «n'a reçu aucune instruction pour geler les dossiers de départ à la retraite proportionnelle et sans conditions d'âge», précise la direction générale. La CNR «continue de recevoir et liquider les dossiers liés à la demande de départ à la retraite proportionnelle et sans conditions d'âge». L'annonce de la direction générale de la Caisse des Retraites confirme au moins une chose : après s'être précipité à annoncer la fin de la retraite proportionnelle et anticipée lors de la tripartite du 5 juin dernier, le gouvernement semble faire prudemment marche arrière. A l'issue des travaux de la 19ème tripartite, le Premier ministre Abdelmalek Sellal avait affirmé qu'il a été convenu entre les partenaires de la tripartite de fixer l'âge de départ à la retraite à 60 ans, ainsi qu'un nouveau projet de loi modifiant l'ordonnance 97-13 instituant le départ à la retraite sans condition d'âge. Il a ajouté qu'une commission devrait être mise sur pied pour élaborer ce projet de loi qui fixe l'âge de départ à la retraite à 60 ans «par souci d'équité et de préservation des capacités de la Caisse nationale des retraites».

«L'âge minimum de départ à la retraite est maintenu à 60 ans, c'est l'âge légal», a affirmé à la radio algérienne au lendemain de cette réunion M. Djaouad Bourkaïb, directeur général de la sécurité sociale au ministère du Travail. L'ancien dispositif qui intégrait la retraite anticipée et la retraite proportionnelle «est un dispositif qui a été appliqué dans le cadre du Plan d'ajustement structurel du FMI. Ce contexte n'existe plus. De plus, à l'instar des pays à forte démographie, le départ précoce à moins de 60 ans n'a plus sa raison d'être», souligne M. Bourkaïb. «C'est dans ce contexte qu'est intervenue cette décision. On revient donc à l'âge légal de départ à 60 ans». Selon M. Bourkaïb, «les retraits précoces du marché du travail ont causé des dommages aux caisses sociales», et «ne sont pas générateurs d'emploi, mais causent une perte de compétences, outre une perte de cotisation». L'application de l'ordonnance 97-13 a fait que sur 1,6 million de droits directs de retraite (retraités), plus de 50% sont des retraites précoces, «c'est un ratio révélateur de l'ampleur du phénomène et les difficultés financières de la branche retraite», estime M. Bourkaïb. «Plus de 830.000 retraités sur les 1,6 million sont parties avant l'âge de 60 ans».

Les syndicats montent au front

Mais, immédiatement après, il y a eu une formidable levée de boucliers des syndicats autonomes, dont le Conseil national des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (CNAPESTE) contre cette décision. Réunion le 14 juin dernier en session ordinaire, celui-ci a confirmé son rejet de cette décision et lance un «appel aux autorités pour qu'elles ne touchent pas à un acquis des travailleurs, celui de la décision 13-97 relative au droit à la jouissance de la retraite proportionnelle et anticipée». Dans un communiqué transmis à la rédaction du Quotidien d'Oran, le CNAPESTE ajoute que «toute atteinte à ces acquis va compliquer davantage la crise dans le secteur de l'éducation et aura des incidences directes sur le rendement de l'éducation nationale avec des effets négatifs sur l'école algérienne». En outre, le syndicat a déclaré que cette mesure de suppression de la retraite proportionnelle et anticipée est «inacceptable». «Pour nous, c'est une décision inacceptable», avait déclaré au Quotidien d'Oran Messaoud Boudiba, porte-parole du CNAPESTE. Il explique qu'il faut «d'abord savoir que l'enseignant a une énorme charge de travail dans l'année, avec une moyenne de 44 heures par semaine. Pour chaque heure de cours, il faut compter une demi-heure de préparation», explique-t-il. «En général, les enseignants travaillent beaucoup, avec un volume horaire important, il faut des règles pour cela». M. Boudiba affirme ainsi que «nous sommes contre ces mesures qui touchent la retraite proportionnelle et anticipée» ; «la tripartite ne nous représente pas et on ne la reconnaît pas». «Ils ont créé ces mesures pour faire face à une crise économique et pour pouvoir licencier les travailleurs. Or, il faut des conditions économiques viables pour appliquer ces mesures, dont la création d'emploi. Mais il y a en retour l'échec de politique de l'emploi». «Nous revendiquons le départ en retraite après 25 ans de service. C'est une ligne rouge pour nous», ajoute-t-il.

D'autres syndicats indépendants ont mis le gouvernement en garde contre la suppression de la retraite anticipée et proportionnelle, précisant que les décisions de la tripartite ne les concernent pas dès lors qu'ils n'ont pas été associés à ses réunions. «A l'heure où on attendait une amélioration des conditions socioprofessionnelles des travailleurs de la fonction publique, le gouvernement nous surprend avec une décision prise en concertation avec l'UGTA qui ne représente nullement les travailleurs», estime l'Unpef qui rappelle que les cotisations à la sécurité sociale des travailleurs de l'Education nationale profitent à tous les autres secteurs».