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Stimuler les investissements privés pour le développement

par Nirj Deva*

STRASBOURG – Un développement économique réussi se conforme à un modèle bien connu. Sortir un pays de la pauvreté et le mettre sur une trajectoire de croissance durable exige un énorme travail, la création d’un système solide de droits de propriété et surtout, des investissements privés.

Cette méthode n’est pas spécifique à une région ou à un peuple en particulier. Comme la croissance spectaculaire de l’Asie l’a démontré, il peut être transmis d’une culture à l’autre. Il est donc dommage que les économistes du développement et que les institutions multilatérales du monde ne parviennent pas à l’appliquer systématiquement au monde en développement.

Des milliards de dollars d’aide ont été versés aux pays en développement, mais cela n’a pas été suffisant et les résultats ont été décevants. La Banque mondiale estime qu’un milliard d’individus vivent encore avec moins de 1,25 dollar par jour, alors que plus de 800 millions de personnes ne mangent pas à leur faim. Les Objectifs du Millénaire pour le Développement ont tenté d’appliquer une approche globale de réduction de la pauvreté, mais les OMD ont échoué à répondre à ses causes sous-jacentes.

Sur le papier au moins, les nouveaux Objectifs de Développement Durable des Nations Unies mis en place l’an dernier constituent une amélioration. Le problème est que leurs grandes ambitions ont un coût élevé. Il reste en effet un déficit de financement d’environ 2,5 milliards de dollars si leurs 17 objectifs doivent être atteints. Un gouffre aussi grand ne peut pas être comblé par les seuls moyens des gouvernements à court d’argent, ni par ceux des contribuables.

Voilà pourquoi ce qui rend si importante une décision récente du Parlement européen, visant à soutenir mon rapport appelant à la mobilisation du capital privé dans la lutte contre la pauvreté dans le monde. Pour la première fois dans l’histoire du Parlement, ses membres ont reconnu le secteur privé comme un partenaire clé dans la création de richesses dans le monde en développement. Étant donné que l’Union européenne est l’un des plus grands fournisseurs d’aide au développement, la décision pourrait être très importante.

Certes remporter un vote n’est jamais simple. C’est pourtant la partie facile. Le défi consistera à traduire les paroles en actes.

Les signes avant-coureurs sont encourageants.

Marianne Thyssen, commissaire de l’UE à l’emploi et au travail, veut que la mise en œuvre de ce rapport commence immédiatement. Elle a promis que la Commission européenne allait investir plus de 2 milliards d’euros (2,27 milliards de dollars) pour aider le secteur privé dans les pays en développement d’ici 2020. Elle prévoit que 4,8 milliards d’euros de subventions de l’UE vont permettre de recueillir au moins 66 milliards d’euros d’investissements en Afrique subsaharienne, en Asie et en Amérique latine par l’intermédiaire des institutions financières et des entreprises privées.
 
Si l’ensemble du budget de développement de l’UE était maximisé de la même manière, nous pourrions mobiliser environ 300 milliards d’euros de capitaux qui, consacrés à l’acquisition de matériel, d’usines et de technologie en provenance de l’Europe, pourrait donner un énorme coup de pouce à la faible croissance actuelle des économies européennes.

Une des premières tâches importantes dans la réalisation de l’impact souhaité consistera à créer un environnement dans lequel les initiatives privées pourront prospérer. Actuellement les micro, petites et moyennes entreprises représentent environ 60 % de l’emploi dans le monde en développement. Pourtant 70 % de ces entreprises ne reçoivent aucune aide des institutions financières, même dans les cas où les investissements pourraient leur permettre d’augmenter leur croissance et de créer des emplois.

Nous devons commencer à changer cela en fournissant à ces pays l’aide financière et technique dont ils ont besoin pour établir des systèmes bancaires et des administrations fiscales fiables. Il faudra encourager le respect des normes comptables internationales. La transparence doit être améliorée et la corruption doit être éradiquée. Et dans de nombreux pays, le système d’enregistrement des biens fonciers et des droits de propriété doit être formalisé, de sorte que les individus et les entreprises puissent acquérir les capitaux propres qui leur serviront de garantie pour emprunter et investir dans leurs entreprises.

L’effet consistera à augmenter le nombre de projets susceptibles d’obtenir un financement, dans lesquels les entreprises locales et internationales pourront investir. Le potentiel de partenariats entre les secteurs publics et privés existent dans des projets d’énergie et de télécommunications, dans les puits et l’irrigation, dans le secteur du bâtiment, dans les infrastructures comme les routes, les aéroports et les ports, ainsi que dans les usines de transformation des industries agroalimentaires de la viande et des fruits et légumes.

Des garanties rigoureuses doivent évidemment être mises en place. Les investisseurs privés devront accepter les règles de protection des droits sociaux, environnementaux, des droits de l’homme et de l’égalité entre les sexes. Pour renforcer la confiance, des forums au niveau de l’UE doivent être créés, afin que le secteur privé, les ONG, les think tanks et les gouvernements puissent discuter des possibilités de développement.

Favoriser la croissance des pays en développement va stimuler les opportunités d’investissements pour les entreprises de l’UE et ouvrir de nouveaux marchés à leurs produits. Le résultat sera un cycle vertueux de développement qui profitera à tous et qui fera beaucoup avancer le monde dans la réalisation des objectifs ambitieux qui ont été adoptés.

*Membre éminent du Parlement européen et vice-président conservateur du Comité de développement