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Loi de finances 2016 : « Aller vers la vérité des prix, inéluctable mais ? »

par Yazid Alilat

Le projet de loi de finances 2016 est débattu depuis hier et pour trois jours à l'APN. Plusieurs dispositions fiscales nouvelles dont l'ouverture du capital des entreprises publiques au secteur privé, des hausses du prix des carburants, de l'électricité et du gaz sont au menu de ces discussions qui s'annoncent houleuses selon Mohamed Cherif Ould El Hocine, député et membre de la Commission finances et budget à l'Assemblée populaire nationale. Il annonce cependant à la radio nationale, au moment où s'ouvraient hier dimanche les débats en présence du ministre des Finances Abderahmane Benkhalfa, que déjà sept dispositions ont été rejetées. Comme il y a eu des amendements, dont celui de l'article 53 sur les projets touristiques qui seraient exonérés d'impôts. « Il est indécent avec la crise actuelle ; il ne faut pas priver le Trésor public d'une taxe permanente qui entre dans la budgétisation de l'Etat, et le ministre du secteur ne nous a pas convaincus, donc on a supprimé la mesure », indique M. Ould El Hocine. Il a également relevé qu'il est « hors de question d'ouvrir le capital des EPE sans assurer la sauvegarde de l'outil de production nationale ». « On attend le vote, mais nous sommes en débat ; on veut préserver les intérêts de l'Etat », estime-t-il. Par ailleurs, il a souligné que plusieurs mesures décidées par le ministère des Finances sont incohérentes, et même les « gars du ministère des Finances ont été incapables de nous les expliquer », a-t-il relevé. Il s'agit notamment de la taxe d'enregistrement des frais domaniaux. « On s'est rendu compte que l'exposé des motifs n'est pas convaincant, la taxe étant un budget important de l'Etat (1% du budget), il n'y avait aucune raison d'éviter de renflouer les caisses publiques. On ne comprend pas que l'Etat à travers le ministère des Finances fasse disparaître des taxes qui sont des mannes pour le Trésor public ». Il précise que « nos préoccupations, c'est de protéger l'économie » nationale. Il ajoute que pour la commission Finances de l'APN, « la priorité des priorités est de protéger l'outil de production nationale, protéger les acquis, renflouer les caisses du Trésor public. Il ne s'agit pas d'augmenter les taxes pour aller à l'ensemble des acteurs pour participer à la fiscalité ». Il rappelle que les ressources de l'Etat proviennent en fait des dispositions fiscales, domaniales et douanières, de la fiscalité pétrolière et parafiscale. « Il y a en fait 4.747 milliards de DA de recettes prévisionnels, et un déficit budgétaire qu'il faut gérer par le FRR ; l'Etat propose d'aller vers un assainissement des opérations et le gouvernement a pris les choses en main pour qu'il n'y ait plus de gaspillage de budget », a-t-il souligné. Sur les hausses des carburants, il a confirmé que la Commission des Finances de l'APN a proposé une hausse du prix de l'essence de 1 dinar de plus que les 5 dinars proposés par le projet de loi de finances 2016, car on tente de trouver les équilibres qu'il faut », a-t-il dit. Le député a souligné que le gouvernement « a proposé un réajustement des taxes (sur les produits pétroliers), et là, il y a un dilemme : cinq dinars pour l'essence, un peu moins pour les autres, deux dinars pour le gazole. C'est énorme pour les agriculteurs notamment, et il ne faut pas forcer la spirale de l'inflation », estime M. Ould El Hocine. « Les gens du ministère des Finances ont été incapables de nous dire quelles sont les conséquences de ces augmentations, alors que c'est nous qui décidons ». Il précise cependant qu'il est clair « qu'il y aura des augmentations. On va aller vers la vérité des prix, c'est inéluctable. Mais, pas de cette manière, comme cela, violemment ». Sur les hausses programmées de l'électricité et du gaz, le député a souligné que la Commission du Parlement n'est pas d'accord avec les hausses proposées. « Nous ne sommes pas d'accord ; il va falloir relever le niveau ; on s'est dit que c'est le consommateur à la base qui va payer, car on s'est dit ou relever les niveaux minima ou supprimer cette taxe ». M. Ould El Hocine a en fait expliqué que la Commission Finances de l'APN n'est pas d'accord avec le motif invoqué par le département de M. Benkhalfa selon lequel les hausses des tarifs de l'électricité et du gaz ont été introduites pour renflouer Sonelgaz. « On n'est pas d'accord, car Sonelgaz connaît des problèmes structurels, et les gars du ministère des Finances ne sont pas convaincants ». Enfin, il a déploré l'absence de certains ministres lors de l'examen de leur projet de budget dans le cadre du projet de loi de finances 2016. « Des ministres ne sont pas venus en commission pour défendre leur projet, c'est une loi de finances très difficile ; il faut que les gens fassent preuve de rationalité », a-t-il expliqué en laissant présager de durs débats à l'APN pour faire passer ce projet de loi de finances pour 2016. Pour rappel, le PLF 2016 table sur une hausse du volume des importations à 54,7 milliards de dollars et un recul des exportations d'hydrocarbures à hauteur de 34 milliards de dollars, en baisse de 26,4 milliards de dollars par rapport à 2015. Les dépenses prévues sont de 7.984,1 milliards (mds) de DA, et 3.176,8 md de dépense d'équipement, en baisse de 9% par rapport à 2015. Par contre, le PLF 2016 prévoit des recettes budgétaires totales de 4.747,43 md de DA dont 3.064,88 md de DA de recettes ordinaires et de 1.682,55 md de DA de fiscalité pétrolière.