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UNE LOI DE FINANCES AU FORCEPS

par Moncef Wafi

Le projet de loi de finances 2016 est en train de cristalliser contre lui un front du refus allant de l'opposition jusqu'aux députés émargeant à la case du pouvoir.

Si Hanoune du PT a accusé l'oligarchie algérienne d'être la rédactrice de cette loi, Makri du MSP de dénoncer «une prise en otage de l'Etat», l'APN, majoritairement acquise au FLN et au RND, a contesté sept de ses articles estimant qu'ils vont à l'encontre des intérêts de l'Etat. C'est dire la levée de boucliers suscitée par une loi qui fait la part belle au secteur privé et à la privatisation des grandes entreprises publiques. Loin d'être une lubie de l'opposition, cette loi, et à en juger par certaines de ses mesures, consacre, et dangereusement, un recul de l'Etat devant une «offensive sauvage et fatale pour le pouvoir d'achat», pour paraphraser la SG du PT. Avant même que le projet ne passe devant l'APN, le ministre des Finances évoquait une hausse des prix de certains produits comme acquis, les justifiant à coups de chiffres et d'arguments économiques.

Présentée hier en plénière par Benkhalfa, cette loi sera débattue pendant trois jours par la chambre basse et selon toute vraisemblance devra passer, discipline partisane oblige, à l'instar de tous les projets présentés par le gouvernement, comme une lettre à la poste, hormis quelques amendements à revoir dont l'exonération de la taxe foncière pour les investissements touristiques et l'ouverture des entreprises publiques au capital privé de crainte de voir «des étrangers s'approprier de grandes entreprises nationales». Des griefs retenus par l'invité de la chaîne 3 de la Radio algérienne, Mohamed Cherif Ould El Hocine, membre de la commission Finances et Budget de l'APN, qui a déclaré que les députés veulent une loi de finances «qui protège le Trésor public et l'économie nationale» ainsi que les consommateurs «les plus vulnérables» faisant référence à l'augmentation de la taxe sur l'énergie.

Dans son intervention, il regrettera l'attitude de certains ministres qui ne jugent même pas utile de se déplacer à l'hémicycle pour expliquer certains des textes de la loi de finances 2016. Une loi qui s'apparente de plus en plus à une solution de facilité en s'attaquant directement au portefeuille de l'Algérien moyen à travers moult augmentations de taxes et autres impôts. En effet, les salariés devront payer des impôts allant de 10% pour un salarié qui touche le salaire minimum (SNMG) à 50% pour ceux qui ont un salaire supérieur à six fois le salaire minimum, c'est-à-dire 108.000 DA.

Les propriétaires terriens, y compris ceux qui disposent de terres agricoles, seront fortement taxés. Les vignettes automobiles, le gas-oil? pour ne citer que ces exemples, serviront à renflouer les caisses de l'Etat en autant de mesures impopulaires alors que les Algériens attendaient de leurs dirigeants une autre sortie de crise. Impôt sur les grosses fortunes, enquêtes sérieuses sur les nouveaux riches, rationalisation des dépenses de l'Etat, des dossiers passés sous silence au grand dam du citoyen qui devra encore serrer une ceinture de deux ou trois crans pour finir asphyxié à la fin.