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Au fil... des jours - Communication politique : nouvelles du front !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Jeudi 22 octobre 2015 - «Le temps de la propagande politique et de la communication destinée à redorer l’image du gouvernement appartient au passé.» Cette déclaration est du Premier ministre tunisien, Habid Essid. Il s’adressait aux chargés de communication des ministères au cours d’une journée d’études organisée à l’intention de ces derniers.
La rencontre était consacrée à l’évaluation de la communication du gouvernement. Le Premier ministre a alors expliqué qu’il n’est plus question de défendre les membres du gouvernement. Le plus important, selon Habid Essid, c’est de fournir à l’opinion publique nationale et internationale une information crédible. «Comme nous avons réussi à réaliser notre transition démocratique et à instaurer des institutions pérennes, nous devons réussir à communiquer avec notre environnement extérieur et intérieur», a-t-il expliqué. Pour lui, la communication sur la Tunisie est la prochaine étape après l’élection d’un nouveau président de la République depuis la chute du président Ben Ali en 2011. Illustration parfaite (réalisable est une autre paire de manches) que l’existence d’une vie démocratique et républicaine transparente, avec une véritable séparation des pouvoirs, est la condition sine qua non d’une communication publique (étatique) au service de l’intérêt général et non de projets personnels ou claniques.

Samedi 24 octobre 2015 - Amar Saâdani était vraiment en colère (quand est-ce qu’il ne l’est pas ?) ce jour-là, lors d’un meeting du Fln … à l’hôtel Hilton, svp ! Il aurait dû, pourtant, être très content, la justice française ayant condamné (sur la forme, me semble-t-il, et non sur le fond) le site «Mondafrique» pour diffamation sur sa «bonne fortune» à Paris. S’en prendre aux partis, aux opposants, aux anti-Bouteflika, aux…, c’est son droit (et presque son devoir en tant que chef du parti au pouvoir) le plus absolu. Mais là où ça dérape, c’est lorsqu’il assène publiquement : «Désormais, à chaque dépassement, nous répondrons par un dépassement». Voilà une parole qui a certainement dépassé sa pensée car, en tant qu’homme politique à haute responsabilité partisane proche, très proche du pouvoir, il eut fallu savoir garder raison et ne pas prôner la violence et la menace… imitant ainsi, en pire, certains parmi ceux qu’ils clouent au pilori, donnant ainsi le plus mauvais des exemples aux jeunes et aux enfants tout particulièrement… dans bien d’autres domaines, rendant ainsi la tâche difficile aux parents et aux éducateurs.

Dimanche 25 octobre 2015 - Il a réussi là où Coluche et l’Italien Beppe Grillo ont échoué. L’humoriste Jimmy Morales a été élu président du Guatemala, dimanche 25 octobre, remportant une écrasante victoire avec 68,6% des voix. Un choix qui peut sembler étonnant, mais c’est justement son absence totale d’expérience politique qui a séduit les électeurs dans un pays marqué par la corruption. Un slogan simple : «Ni corrompu, ni voleur». En septembre, il était arrivé en tête au premier tour, à la surprise générale, quelques jours après la démission et le placement en détention provisoire du président sortant. Otto Perez est accusé d’avoir organisé, avec sa vice-présidente, un vaste réseau de fraude au sein de douanes, ayant détourné près de 3,4 millions d’euros alors qu’il était au pouvoir. Lui-même aurait perçu plus de 720 000 dollars de pots-de-vin. Est-ce que cela va donner des idées «humoristiques» , en tout cas optimistes, à nos hommes politiques afin de «sortir» le citoyen de l’atmosphère générale déprimante, presque macabre, qui le pousse soit à se rebeller sans cesse, soit à «démissionner» et à s’en foutre.

Lundi 26 octobre 2015 - Le président français François Hollande reçoit, sur le perron de l’Elysée, deux ministres algériens, R. Lamamra et A. Bouchouareb. Il a même fait une entorse au protocole en les accueillant en bas des escaliers. Du respect pour nos deux représentants ? Peut-être. D’autant que la séance de travail qui avait précédé la réunion, à Paris, de la Comefa, avait été présidée, côté français, par le président lui-même. Mais, certainement pour réparer les fautes ( !?) des douaniers d’Orly qui ont récemment fouillé les bagages et, dit-on, les corps de quatre de nos officiels pourtant munis de passeports diplomatiques. Le dernier en date, le ministre de la Communication, a rué dans les brancards et l’affaire a éclaté au grand jour, mettant dans la gêne les deux diplomaties. L’éponge est passée mais les messages aussi. A Orly, certainement pour signifier «peu diplomatiquement» qu’il y a exagération dans l’exploitation du passeport diplomatique (qui, il faut le savoir, a été élargi, par le biais d’un décret présidentiel, aux membres de familles de la nomenklatura et à bien des personnes non «en poste») pour «aller et venir n’importe comment» et faire passer, peut-être, «n’importe quoi», à l’aller et au retour. A Alger, assurément, il s’agissait de restaurer à tout prix un «honneur» publiquement mis à mal. Et, surtout ne pas écouter les grosses gueules extrémistes qui parlent de «rappels des ambassadeurs», de «gel des relations diplomatiques», d’ «excuses officielles»,… et qui, bien souvent, passent leurs vacances ou vont faire leurs courses à Paris, la «ville-lumière». On en a vu d’autres !

Vendredi 30 octobre 2015 - Me Ali Yahia Abdenour et Abdelmadjid Azzi, tous deux moudjahidine et tous deux anciens «responsables», aujourd’hui opposants, affirment, lors d’une conférence à Aghribs consacrée à la Révolution algérienne, que «l’histoire officielle a été écrite par ceux qui n’ont pas fait la Révolution». Du déjà-si entendu, tout particulièrement depuis 1988, que c’en est devenu banal –tout particulièrement auprès des nouvelles générations - décrédibilisant ainsi l’Histoire. Ce ne sont pas les premiers à le dire, ce ne seront pas les derniers, tant que l’écriture de l’Histoire restera, encore, enfermée dans la seule mémoire des moudjahidine et dans les archives cadenassées de la Défense nationale… .et ne devienne pas la totale propriété de la recherche universitaire et scientifique, loin des jeux administratifs et politiques. Tout le monde le sait : « Une Révolution est toujours faite par des naïfs, poursuivie par des intrigants, consommée par des scélérats» (Paul Bourget). A quoi bon remuer le couteau dans la plaie !

Dimanche 1er novembre 2015 - Dans un entretien (des réponses en français mal traduites affirme l’interviewé) accordé à un quotidien résolument francophobe et (presque) islamiste, un ex- ministre, ancien de (l’encore) fameux Malg (ancêtre des services secrets et de la police politique), a évoqué l’assassinat, en 1958, par des compagnons d’armes, de Abane Ramdane, alors figure de proue de la Révolution algérienne.
Raisons avancées en vrac et citées par le journal : «survie de la Révolution», «homme dangereux», «orgueilleux», «méprisant envers ses compagnons de guerre».
On comprend mieux la suite des évènements après l’Indépendance et jusqu’à nos jours : La communication (sic !) politique la plus efficace, dans l’esprit de ceux qui sont au pouvoir ou veulent l’avoir et/ou durer a consisté, globalement, à éliminer, à effacer purement et simplement le vis-à-vis contestataire. Abane, Krim, Khider, Khemisti, Boudiaf… et bien d’autres, parfois restés inconnus, sauf dans la mémoire de leurs bourreaux (ont-ils vraiment une mémoire?) et de leurs proches. Les voies et moyens ont «évolué» (l’argent et «l’accident» remplaçant les armes, le garrot et le poison), mais la démarche est toujours la même.
-Le chanteur Kabyle Idir refuse toujours de se produire en Algérie tant que la langue Tamazight n’est pas officialisée dans la Constitution aux cotés de l’arabe. Ce refus a été réitéré, sur les ondes de la radio locale de Tizi Ouzou au cours d’une émission diffusée en direct.
Il a expliqué que l’officialisation de la langue Tamazight est un principe auquel il reste attaché depuis les années 1970, période à laquelle remontent ses derniers spectacles en Algérie.
L’identité amazighe ne sera reconnue, selon Idir, dans toute sa dimension qu’une fois Tamazight est décrétée comme langue officielle.
Le chanteur Idir n’a pas manqué de citer le pays voisin, le Maroc, comme exemple à méditer pour avoir intégré dans sa Constitution l’officialisation de la langue Tamazight. Voilà qui est (re-) dit par une icône incontestée de la culture algéro-amazigh. A-t-il raison ? A-t-il tort ? Sa parole fait-elle le poids ? Sera-t-il entendu plus que Mami, Khaled et Cheikh El Ghaffour ? Il le mérite amplement. On attend avec impatience les nouveaux amendements constitutionnels, promis plus démocratiques que jamais,…


Mardi 3 novembre 2015 - Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, affirme que les élections en Algérie manquent de transparence et de sincérité. Pour lui, il est impératif d’aller vers des élections qui «reflètent le choix des votants». «On ne peut plus se contenter d’une démocratie de façade qui n’existe que dans les textes», a estimé Me Farouk Ksentini sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale qui ajoute que la révision de la Constitution annoncée par le président Bouteflika pourra rattraper le coup et mettre le pays sur la voie de la démocratisation., etc… etc… etc… Décidement, en cette fin de règne (ou fin d’étape), les positions politiques se réajustent à une allure étonnante et déconcertante. Bof, l’hiver est aux portes et il faut bien préparer ses vestes pour bien se couvrir ! Les plus avertis et les plus économes ont des vestes réversibles.

Jeudi 5 novembre 2015 - L’ambassade d’Algérie à Paris, a fêté, mercredi 4, le 61e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération nationale, paraît-il, dans une «ambiance somptueuse, une soirée qui a certainement dû coûter plusieurs dizaines de milliers d’euros, au moment où l’Algérie traverse une sérieuse crise financière et où une stratégie d’austérité est engagée». C’est ainsi que «L’Association algérienne des deux rives et leurs amis (ADRA)» dénonce, dans un communiqué, «la démesure qu’adopte la diplomatie algérienne lors de la célébration de ce genre de fêtes et le gaspillage qui les caractérisent, alors que le peuple entier est appelé à «serrer la ceinture», alors que «26 000 étudiants algériens en France sont dans la précarité, sans oublier les milliers de nos concitoyens qui souffrent pour se faire délivrer le passeport biométrique», précisent les membres d’ADRA dans le communiqué. On les comprend, mais je pense que c’est là une analyse de courte vue et politicienne qui ne prend pas en considération le fait que l’action politique internationale moderne d’un pays doit obligatoirement être relayée par des actions diplomatiques empruntant, aussi et surtout, à la communication, aux relations publiques et au lobbying. Il aurait été plus opportun de dénoncer les Algériens «des deux rives» corrompus et corrupteurs , «installés» à l’étranger et, en tant qu’association engagée, au lieu de quémander, mettre «la main à la poche» et les ester en justice pour leur faire «rendre gorge»

Vendredi 6 novembre 2015 - Dix neuf personnalités dont d’ex-ministres (Khalida Toumi, le Pr Pr Abdelhamid Aberkane, Fatiha Mentouri), des figures historiques (Zohra Bitat-Drif, Lakhdar Bouregaâ), des militants des droits de l’homme (Nouredine Benissad et Boudjemaa Ghechir), des politiques (Louisa Hanoune), des écrivains (Rachid Boudjedra.) créent la (divine !) surprise en animant une conférence de presse à l’hôtel Esssafir pour rendre publique une démarche qu’ils ont initiée le premier novembre.
C’est quoi ? Une lettre adressée le 1er novembre au président Bouteflika pour attirer son attention sur ce qu’ils qualifient de «dégradation du climat général du pays». «Les 19» ont décidé de médiatiser leur démarche, d’abord «pour prendre à témoin l’opinion publique» et surtout «réagir au silence du président qui n’a pas donné de suite à la demande d’audience» faite le 1ernovembre. Pour eux, le silence du président une semaine après avoir reçu leur lettre ne se justifie pas, dès lors qu’il reçoit, par ailleurs, des délégations étrangères.
Les signataires de la lettre ne sont pas dans l’opposition. Bien au contraire, certains sont (ou ont été ) même proches du président Bouteflika, comme la sénatrice Zohra Drif Bitat et Khalida Toumi.
Voilà donc une forme de communication politique, vieillote, remise au goût du jour : se (re-) positionner sans rupture, rendre publique la position (on ne sait jamais !) …prendre à témoin l’opinion publique. Mais, celle-ci a-t-elle oublié que tous ces protestataires, à quelques exceptions près, s’étaient, par le passé, du temps des «vaches grasses», tus et avaient (presque) applaudi à presque tout venant du Président ? Un politicien, Edgard Faure, je crois, a dit : «Ce ne sont pas les girouettes qui tournent, c’est le vent qui tourne ». D’où vient-il, ce vent ? Et, avec quelle force va-t-il souffler ? Wait and see !