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Loi de finances complémentaire : Soutien à la production, moins de pression fiscale

par Yazid Alilat

C'est une loi de finances complémentaire très austère qui aura été adoptée mercredi en Conseil des ministres. Attendue, la LFC 2015 aura été exclusivement orientée vers la recherche de nouveaux gisements financiers pour atténuer l'effet d'une baisse de moitié des recettes d'hydrocarbures en 2015, mais également sur de nouveaux dispositifs d'encouragement de la production nationale, une relative révision à la baisse de l'impôt et une sorte d'amnistie pour les fonds détenus par le marché informel. Face à une chute inquiétante des cours, le prix du baril de pétrole, pris comme référence par la LFC 2015 est ainsi de 37 dollars pour le calcul du budget et de 60 dollars au niveau du marché. Les recettes budgétaires prévues par la LFC 2015 sont de 4.953 mds DA, en hausse de 242,4 mds DA par rapport à la loi des finances initiale. Les recettes des exportations d'hydrocarbures prévues sont par contre en baisse drastique, à 34 milliards de dollars en 2015 contre 68 milliards de dollars en 2014, alors que les importations prévues sont de 57,3 milliards de dollars (65,44 mds de dollars dans la loi des finances initiale 2015) et 60 milliards de dollars en 2014.

En fait, il s'agit d'un contexte économique difficile, avec une nécessaire baisse des dépenses budgétaires à un moment où les déficits prévus sont importants. Dès lors, les nouvelles dispositions fiscales de la LFC 2015 tendent toutes vers une relance de la production nationale et une baisse de la pression fiscale. Ainsi, l'impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS), unifié par la loi de finances initiale 2015 à un taux de 23% pour toutes les activités, a été revu, et oscille entre 19% et 26% en fonction de la nature de l'activité. Son taux est d'autre part fixé respectivement à 19% pour les entreprises de production, à 23% pour les activités de BTPH et de tourisme et à 26% pour les autres activités notamment celles d'importation et de revente en l'état. Quant à la taxe sur l'activité professionnelle (TAP), elle a été également revue à la baisse et passe de 2% à 1% pour les activités de production de biens, et à 1,5% pour les activités de BTPH. La TAP est par contre maintenue à 2% pour les autres activités, alors que celle pour le transport par canalisation d'hydrocarbures sera portée à 3%.

En outre, la LFC 2015 prévoit par ailleurs des réductions et/ou des exonérations de droits de douane sur le intrants de certains produits sidérurgiques, les profilés d'aluminium et les corps gras végétaux pour encourager la production locale. La LFC 2015 prévoit une croissance hors hydrocarbures de 5,1% (contre 4,25% dans la LF initiale) et un taux d'inflation de 4% (contre 3%). D'autre part, la collecte de l'impôt doit être très efficiente, outre les versements accrus des excédents financiers par l'Agence de valorisation des hydrocarbures (Alnaft) et par l'Agence de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT). Sur le volet investissements, des mesures de soutien et de facilitation sont prévues par LFC 2015, qui simplifie grandement la procédure de création d'entreprises et de l'accès au foncier industriel avec le guichet unique au niveau local au lieu et place du Comité d'assistance à la localisation et à la promotion des investissements et de la régulation du foncier (Calpiref). La mesure a été décidée pour soutenir la production locale et la croissance par un meilleur rendement des investissements privés productifs.

D'autre part, la LFC 2015 prévoit la réduction des dépôts auprès des notaires sur les actes des sociétés et autres actes liés à l'investissement, comme elle institue une pénalité à la charge des bénéficiaires de terrains à vocation industrielle, non exploités trois années après leur attribution, alors que les opérations liées aux crédits immobiliers à moyen et long terme seront exonérées de la TVA. Et, pour améliorer les finances locales, la LFC 2015 a introduit des dispositions instaurant des recettes compensatoires à la baisse du taux de la taxe d'activités professionnelles (TAP) au bénéfice des activités de production, comme elle permet par ailleurs l'autorisation d'octroi de subventions au budget de la wilaya par les communes disposant d'importantes ressources financières. Dans le même sillage, ce texte prévoit la création d'une Caisse de garantie et de solidarité des collectivités locales qui absorbera les Fonds de garanties et de solidarité des collectivités locales.

Informel: amnistie fiscale déguisée ?

Sur l'économie dite « informelle », en fait toute l'activité de production et de distribution qui échappe au contrôle de l'Etat, mais qui néanmoins fait vivre des millions d'Algériens, les diplômés comme les autres qui n'ont pas trouvé un emploi ou éjecté du système éducatif, la LFC 2015 prévoit une sorte d'amnistie fiscale et autorise, moyennant une taxe forfaitaire dont le taux n'a pas été indiqué, ceux qui ont des capitaux « informels » à les placer dans des comptes bancaires. Soit une mesure qui légalise les produits et les revenus des activités informelles. Précédée par l'imposition du chèque pour toutes les opérations financières ou de négoce de plus de un million de dinars, cette loi se veut être une incitation, pour la mise en conformité fiscale volontaire, des personnes physiques non impliquées dans des opérations de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme à placer leur argent dans les banques. Ces personnes peuvent en réalité « transférer leurs capitaux du circuit informel vers ceux des banques, contre paiement d'une taxe forfaitaire ». Cette disposition devrait en principe drainer une grande masse monétaire vers le circuit bancaire, selon les concepteurs de la LFC 2015, qui prévoit d'autre part des incitations pour la régularisation des employeurs et des artisans privés qui ne sont pas déclarés, ainsi que leurs employés, à la sécurité sociale.

La LFC 2015 soutient l'entreprise productive, « et il y a plus de mesures de soutien que de mesures répressives », avait souligné le ministre des Finances Abderahmane Benkhalfa quelque heures avant l'examen et l'adoption de la ce texte en Conseil des ministres.