A douze jours à peine de la fin du Ramadan, la ruée vers les magasins vendant
les articles d'habillement pour enfants a commencé. «En réalité, elle n'a
jamais cessé car beaucoup de gens avertis ont pris les devants et ont commencé
à acheter dès le début du Ramadan», rétorqua un marchand du quartier de R'cif.
Donc, hier 5 Juillet, peu avant midi et malgré que la journée soit chômée et
que les gens préfèrent rester chez eux à cause de la canicule, les magasins de
ce quartier, ceux des rues Didouche Mourad et du 19 Juin où se trouvent
concentrés les commerces du genre n'ont pas du tout désempli, assaillis qu'ils
étaient par une clientèle, en majorité féminine, accompagnée le plus souvent
par des enfants. Les uns indignés de la brusque flambée des prix, les autres
résignés parce qu'ils connaissent parfaitement les pratiques des commerçants,
d'autres stoïques et à la limite fatalistes (« que voulez-vous, on doit se
plier à ce véritable racket pour arriver à satisfaire nos enfants »,
disaient-ils) essaient de marchander, mais finissent par accepter les prix
proposés, en grognant quand même pour le principe.
Dans ce genre de négoce, les femmes sont bien plus averties et se
montrent au courant de l'évolution des prix. C'est pourquoi, elles constituent
un véritable baromètre pour juger de la situation conjoncturelle du marché de
l'habillement pour enfant. « Une robe de fillette de 10 ans tarifée à 5.550
dinars, c'est carrément de la folie ! » s'est indignée alors une dame
rencontrée dans un magasin de la rue Abane Ramdane de Constantine. Elle m'a
plue et je voulais bien l'accompagner de brodequins pour ma fille, mais ces
derniers sont à 4.400 DA la paire. Et il me faut donc pratiquement un million
de centimes pour habiller un seul enfant pour l'Aïd ! » protesta encore cette
dame en se demandant ce que pourrait bien faire dans une situation pareille un
père de famille qui a 3 ou 4 enfants à nourrir. « Il n'a qu'à se rabattre vers
le bas de gamme où il trouvera des ensembles pour garçons à 1.750 DA et des
robes pour filles à 1.200 », lui répondit un client. Dans d'autres magasins,
nous avons pu constater qu'un ensemble robe fillette + chemisette + petit sac,
le tout importé de Turquie, coûte facilement 6.450 dinars. Mais entre le haut
et le bas de gamme, on pourra bien sûr trouver des articles « moins chers »
avec des ensembles garçons (pantacourt + pull + chemise) à 4.400 dinars, des
robes fillettes dont les prix varient entre 3.500 et 4.500 dinars, des sandales
enfants dont les prix se situent dans la même fourchette. Et ainsi de suite. «
C'est la flambée ! Les prix des articles d'habillement pour enfants ont connu
un renchérissement de plus de 30% par rapport à l'avant-Ramadan », nous a affirmé
un père de famille rencontré dans la rue marchande de Didouche Mourad. « Malgré
tout, on achète », renchérit un marchand implanté dans la même rue qui a
affirmé que son magasin ne désemplit jamais de clients. « Venez après le f'tour
et vous verrez l'affluence qu'il y a. Nous sommes submergés au point que nous
sommes obligés de faire entrer les clients (surtout les clientes) à tour de
rôle pour qu'il n'y ait pas de cohue et de vols ! » . Ce marchand s'est défendu
d'avoir augmenté les prix en affirmant, la main sur le cœur, que les prix qui
sont affichés dans son magasin sont ceux-là mêmes qu'il pratique durant toute
l'année. « Ramadan ou pas Ramadan, chacun doit se confronter avec sa conscience
», nous dira le marchand en prenant congé de nous pour aller accomplir la
prière du Dohr à la mosquée la plus proche. Entre-temps, le décor change
progressivement dans la ville des ponts et les marchands installent cette
atmosphère typique préparant la fête. Les marchands à la sauvette qui
parcourent les rues et les placettes de la ville ont changé, troqué leurs
marchandises habituelles contre des articles d'habillement pour enfants et des
jouets.