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Jeu de rôles

par Moncef Wafi

Le message de Bouteflika, attendu dans la forme mais surprenant dans le fond, n'aura rien apporté de nouveau dans le paysage national si ce n'est un statuquo pénible et éprouvant pour la majorité du peuple algérien. Sortant de son silence, le président de la République a rappelé aux uns et aux autres que la situation actuelle n'a rien de catastrophique malgré tous les indices à la baisse et les lumières rouges qui clignotent.

Dans son rôle jusqu'au bout, Bouteflika a tenté de calmer le jeu par un discours de circonstance, certes, mais truffé d'allusions en direction de l'opposition et aussi des partis satellites qui gravitent autour d'El Mouradia. Le chef de l'Etat estimant que ses trois derniers mandats ont été couronnés de succès faisant endosser la responsabilité des échecs à une majorité présidentielle, parlant du FLN et du RND sans les citer, incapable de les traduire sur le terrain et de les promouvoir auprès des citoyens.

De l'opposition, il dira qu'elle est aussi dans son rôle de proposer «dans le respect de la déontologie démocratique» des alternatives que le peuple pourra accepter ou rejeter lors des rendez-vous électoraux. Une dose de cynisme présidentielle, une de plus, en direction de l'opposition qui n'a jamais cessé de dénoncer des élections truquées massivement. Cette même opposition qui a accueilli acerbement le message de Bouteflika l'accusant de despotisme, voulant finir sa vie à la tête du pays «même si le pays en payera une facture incommensurable», dixit Soufiane Djilali, le président de Jil Djadid.

Bouteflika a aussi abordé les dépenses publiques qu'il faut réduire. Une prévision sombre dans le subconscient du citoyen qui le renvoie au temps des chaînes interminables pour acquérir un produit de consommation. Il le renvoie aussi à l'époque des ponctions sur salaire et des privations à tous les niveaux alors que les apparatchiks du système et leurs progénitures se payaient du bon temps à Paris et ailleurs. Si le président a parlé de la rationalisation dans la gestion des finances publiques, il ne s'est à aucun moment attaqué à la gestion des hommes qui ont failli à la tête de leurs missions.

Bouteflika ira plus loin en affirmant que l'Algérie n'est pas ce champ de prédilection de la corruption qu'on veut bien nous faire croire. Même s'il reconnaît que la corruption s'est «infiltrée dans notre pays», il estime qu'elle a été combattue «sévèrement» par la loi. Sans tomber dans un excès d'euphorie, Bouteflika n'a pas non plus dressé un tableau noir de l'Algérie d'aujourd'hui, son Algérie à lui, alors que la réalité est tout autre. On vous l'a dit chacun dans son rôle !