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BLIDA: Les parkings entre soumission et racket

par Tahar Mansour

Devant une absence, de plus en plus remarquée, de l'autorité de l'Etat, sur les espaces publics, des jeunes et des moins jeunes, parfois même des enfants, accaparent nombreuses aires de stationnement, bordures de trottoirs ou autres, exigeant des conducteurs qui y stationnent jusqu'à 100 DA pour, parfois, à peine 5 minutes d'arrêt. Dans la plupart des cas, les gens, face à la mine rébarbative du ?patron' des lieux, armé d'un gourdin et soutenu par trois ou quatre autres individus, paient et s'en vont, déjà contents de s'en être sortis à si bon compte. Quand la pièce de 50 DA atterrit dans sa main, le jeune homme affiche une mine réjouie et s'en va chasser ailleurs, sans même aider le chauffeur du véhicule à sortir de la place trop étroite qu'il lui a désignée à son arrivée. Le phénomène a pris une ampleur trop grande malgré les innombrables articles de presse qui lui ont été consacrés, sans que les autorités concernées ne le prennent au sérieux. Au contraire, cette pratique maffieuse a même été encouragée par les autorités qui ont délivré des « autorisations » à certains jeunes pour soutirer, officiellement, de l'argent aux automobilistes pris par la nécessité de stationner quelque part, le temps d'un achat ou d'une prière.

Car, faut-il le noter, cette pratique se trouve même devant les mosquées pour la prière du vendredi et des Taraouihs pour certains quartiers et tous les jours pour d'autres. Si jamais vous refusez de payer, vous entendrez toutes sortes d'insultes, vous risquez aussi si vous y répondez, des coups et la détérioration de votre voiture. Souvent, c'est en face de policiers en faction à certains points sensibles des villes que cela se passe.

Le plus malheureux dans l'affaire, c'est dans l'esprit soumis de la plupart des automobilistes qui préfèrent donner, de plus en plus d'argent à ces racketteurs pour, disent-ils, éviter des problèmes ou la détérioration de leurs véhicules. En plus, lorsque quelqu'un refuse de se plier à ces attaques, il est considéré comme quelqu'un qui veut se montrer ou comme un avare. Nombreux sont ceux qui vous répondent : «50 DA, ce n'est pas si énorme que cela, il vaut mieux leur donner et éviter des problèmes, et puis, c'est mieux ainsi que de les voir voler ou s'adonner au trafic de drogue », sans penser un instant que c'est pire que le vol puisque maintenant c'est un racket institutionnalisé qui est pratiqué, dont tout le monde est victime pour peu qu'il possède un « quatre-roues ». Un voleur vole des valeurs en ayant peur de se faire attraper et d'aller en prison, un agresseur vous prend votre argent de force, quitte à vous donner des coups si vous refusez de vous faire déposséder, et là, c'est encore plus dangereux. Nous avons été plusieurs fois témoins de scènes où les automobilistes qui refusaient de payer ? je dirais de ?plier'- sont pris à partie par quatre ou cinq individus armés de gourdins ou d'autres armes blanches sans que personne ne leur viennent en aide, ni par solidarité devant un même danger, ni par les autorités concernées. Nous pourrions citer des milliers d'exemples et écrire des livres sur ce phénomène de société, mais notre but est surtout de rappeler qu'il y a des lois de la République algérienne qui sont en train d'être piétinées allègrement, par tous. Demander, par ailleurs, aux services concernés d'intervenir efficacement, cela, aussi, peut conduire à de graves dérives.