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Migrants : Feu vert de l'UE à une opération navale en Méditerranée

par Alix Rijckaert De L'afp

L'Union européenne mettait sur pied, hier, lundi, une opération navale pour « casser » l'activité des trafiquants qui exploitent la détresse des migrants prêts à tout, pour traverser la Méditerranée, à destination de l'Europe, un mois après un naufrage qui a fait 800 morts. Cette mission, sans précédent, va entraîner le déploiement de bâtiments de guerre et d'avions de surveillance des armées européennes, au large de la Libye, devenue la principale plate-forme du trafic. Elle requiert un accord des Nations unies et ne sera, véritablement, lancée qu'en juin. L'opération devait être, formellement, décidée, hier après-midi, à Bruxelles par les 28 ministres des Affaires étrangères de l'UE, après une réunion avec leurs homologues de la Défense. Elle permettra de « démanteler les réseaux qui font du trafic d'êtres humains, dans la Méditerranée », a expliqué la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini, à son arrivée. « La Royal Navy sauve, déjà, des vies en mer, mais nous devons, aussi, nous mettre d'accord sur des actions pour traquer les gangs de criminels », a abondé le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon. L'UE, accusée de passivité, voire d'indifférence, est sous pression alors que les drames de l'immigration se succèdent en Méditerranée, en raison de flux, bien plus importants, cette année. Celui qui a ému toute l'Europe et poussé ses dirigeants à agir est survenu, dans la nuit du 18 au 19 avril. Il a coûté la vie à 800 personnes, dont une majorité était enfermée dans la cale d'un chalutier qui a chaviré au large de la Libye. Réunis, en urgence, le 23 avril, les dirigeants de l'UE ont demandé une opération pour « capturer et détruire les embarcations » des passeurs venant de Libye avant qu'elles ne soient utilisées. Ils ont, également, décidé de renforcer les moyens de ?Triton' et ?Poséidon' : deux missions européennes de surveillance et de sauvetage en Méditerranée.

Hier, les ministres devaient demander que les préparatifs pour l'opération navale soient entamés, sans attendre. Mme Mogherini a souligné la vitesse à laquelle les 28 avaient procédé, « un record pour des structures européennes », selon elle.

La mission militaire est, toutefois, unanimement dénoncée par les ONG. Selon ses détracteurs, elle va seulement déplacer les routes empruntées par les passeurs et n'augmentera que les risques pour les migrants. Même le procureur sicilien Giovanni Salvi, en première ligne, contre les passeurs, est sceptique. L'opération, intitulée ?EU Navfor Med', aura son quartier général à Rome et son commandant devrait être l'amiral italien Enrico Credendino, a expliqué, à l'AFP, un diplomate européen. La France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne ont déjà promis de fournir des navires. La Pologne et la Slovénie engageraient des avions de surveillance ou des hélicoptères, selon des sources diplomatiques.     

Il ne sera, toutefois, pas question d'opérations militaires en territoire libyen, a assuré Mme Mogherini. La mission devrait d'abord s'attaquer aux bateaux utilisés par les passeurs armés pour tracter jusqu'en haute-mer les embarcations de fortune chargées de centaines de migrants, ensuite laissées à la dérive. Elle veut, également, les empêcher de les récupérer. Les trafiquants n'ont pas hésité à ouvrir le feu contre les garde-côtes italiens pour reprendre ces embarcations. Soucieux du « respect du droit international », les Européens demandent l'appui d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. « Je n'ai constaté aucune résistance politique majeure », a affirmé Mme Mogherini, qui a voyagé à New York pour défendre l'opération, au Conseil de sécurité.           

D'abord réticente, la Russie semble prête à soutenir un texte ne mentionnant pas spécifiquement la destruction des navires. Il ne devrait, toutefois, pas être adopté avant la fin de la semaine.

La surveillance accrue des côtes et réseaux de trafiquants et l'arraisonnement de navires sans pavillon, dans les eaux internationales, pourront déjà commencer, sans base juridique internationale. Mais plusieurs problèmes difficiles restent à régler, notamment la désignation du pays d'accueil des migrants que les marins engagés dans l'opération seront immanquablement amenés à secourir.