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Les cireurs à l'encre

par Ahmed Farrah

Crier haut et fort sur les toits ne donnera pas raison à ceux qui ont tort. Décaper la vérité et la surcharger de mensonge sur une fausse toile vernie n'en fera pas une œuvre de musée. Dégommer le réel et le remplacer par des impostures n'entamera pas les certitudes. Le temps chronologique arrivera sûrement au bout de l'histoire, la dépoussiérera et la réhabilitera à jamais. L'amnésie entretenue par les fossoyeurs des époques aura aussi sa fin. A ce moment-là, la honte maquillera les faces et les versos de ceux qui se sont vendus au plus offrants. Leurs plumes d'oisillons ne pourront plus venir à leur secours et leur encre frelatée sera une ridicule et burlesque plaidoirie. Devenus bègues et piètres loquaces, ils se cachent derrière des écrans sans verve. Comme des étoiles filantes, ils ont brillé le temps d'un éclair avec leurs sornettes de siroco qui font fuir les arbres. Leurs maîtres du moment effacés par le vent. Ils courent à contre-sens pour dérouler le papier à leurs nouveaux dompteurs. Ils étalent les brosses à chaussure et la cire étincelante pour plaire et polir leurs godillots. Ils font tous ces numéros de cirque pour demeurer dans le chapiteau, régaler la galerie, festoyer de près, s'approcher pour être vus et attendre les boniments qu'ils veulent entendre.