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Procès Khalifa Bank : Des prêts bancaires en milliards de centimes sans aucune pièce comptable

par Tahar Mansour

 

Le tribunal criminel de Blida, sous la présidence de M. Antar Menouar, a continué hier l'audition des accusés dans l'affaire Khalifa Bank, pour le huitième jour qui a vu la comparution, en premier, de M. Amghar Mohamed-Arezki, ex-directeur de la filiale KRC de location de voitures appartenant au groupe Khalifa. Le président du tribunal a tout fait pour comprendre comment un ancien cadre de la BNA à la retraite, avec trente années d'expérience, peut-il contracter un prêt de 1,5 milliard de centimes sans aucune pièce comptable ni justificatif. Les réponses aux questions du juge sont, là aussi, entourées de flou et noyées dans des détails sans aucune importance, juste pour essayer de ne pas répondre clairement à la question. Ce prêt -et non crédit bancaire comme a tenu à préciser l'accusé- n'a même pas été remboursé et, en réponse à une question du juge, il affirma : «j'attendais seulement que la banque me fixe un échéancier pour commencer les remboursements». Il déclara aussi qu'il avait eu l'accord verbal de Khalifa Abdelmoumène et il passa à la caisse pour retirer l'argent qui fut mis au compte de la société qu'il dirigeait. Quand le juge lui parla d'un autre prêt de 450 millions, il affirma : «mais je l'ai remboursé, monsieur le juge». «Comment l'avez-vous remboursé ?» demande le juge. «C'est lorsque j'ai obtenu le prêt de 1,5 milliard que j'ai remboursé les 450 millions de centimes et j'ai acheté un appartement à la rue Khelifa Boukhalfa à Alger pour 900 millions de centimes». Revenant à KRC de location de voitures, Amghar déclara qu'il a laissé une société en bonne santé financière avec un avoir de 2 milliards de centimes mais le juge lui rappela que c'est le contraire qui apparaît dans le rapport du liquidateur de cette filiale, M. Omar Tigmounine : «là il est dit clairement que la société était en faillite et 40 voitures n'ont même pas été retrouvées» a-t-il tenu à préciser. Le procureur général demande la parole pour rappeler au tribunal que 10 autres voitures engagées pour l'année de l'Algérie en France n'ont pas non plus été retrouvées.

UN AUTRE PRET DE 250 MILLIONS DE CENTIMES SANS AUCUN DOCUMENT

Noureddine Dahmani, qui a occupé le poste de directeur du personnel navigant de Khalifa Airways, fut ensuite appelé à la barre pour répondre des accusations portées contre lui concernant le prêt de 250 millions de centimes obtenu auprès de Khalifa Bank sans aucun justificatif ni document comptable, comme le prévoit la loi sur la monnaie et le crédit. L'accusé explique qu'il avait rencontré le PDG du groupe dans un avion et il lui a demandé s'il pouvait obtenir un prêt de 250 millions de centimes. Il reçut un accord verbal et il rédigea une demande de prêt qui lui fut accordé sans autre démarche. Questionné sur des avantages accordés à des personnalités publiques en matière de recrutement de leurs fils et de leurs filles, Dahmani déclare qu'il était très strict sur le recrutement car il n'acceptait pas de personnel n'ayant pas de qualifications.

DE FAUSSES INFORMATIONS ET DISSIMULATION DE DOCUMENTS

Mimi Lakhdar était commissaire aux comptes de Khalifa Bank entre 1998 et 2000 et est accusé d'avoir dissimulé des informations et donné de fausses informations aux enquêteurs. Il expliqua avoir démissionné de la banque car cette dernière était dans l'incapacité d'arrêter les comptes aux dates requises par la loi en vigueur : «Khalifa Bank a accusé un retard de 18 mois pour la présentation du budget 1999/2000 et j'ai établi un rapport que j'ai envoyé à la DG de Khalifa Bank ainsi qu'à la Banque d'Algérie» a-t-il déclaré. Le président lui rappela qu'il aurait dû attirer l'attention du procureur en l'informant des infractions commises par la banque. Il déclara qu'il n'a fait qu'appliquer les articles 168 et 173 relatifs aux infractions bancaires «qui m'obligent à aviser la banque d'Algérie et Khalifa Bank.»

PLUS DE 80 000 CLIENTS DE KHALIFA BANK, SOIT REMBOURSES, SOIT INDEMNISES

Ainsi, le liquidateur de Khalifa Bank, Me Moncef Badsi, a déclaré devant le tribunal criminel de Blida que l'indemnisation, plafonnée à 60 millions de centimes par la loi, a été versée à plus de 76 000 clients de Khalifa Bank. En outre, plus de 6 000 clients faisant partie des gros déposants ont vu leurs situations apurées par le liquidateur. Un montant de 7,6 milliards de dinars a été réservé pour le remboursement des plus de 106 000 clients de Khalifa Bank dont il ne reste que 30 000 non remboursés à ce jour, étant de petits épargnants qui seront remboursés par la suite. Concernant l'apurement des créances des gros déposants dans les comptes bancaires, Me Badsi précise que 5 000 sur les plus de 11 000 gros déposants ont été réglés (10 % de la somme déposée). Dans le même contexte, Me Badsi rappelle qu'il ne pourra pas rembourser la totalité des déposants et autres créanciers car ne disposant pas de la somme nécessaire qui s'élève à 76 milliards de dinars : «nous ne disposons actuellement que de 6 milliards de dinars». Le liquidateur a précisé aussi qu'il a éliminé 2 623 demandes de règlement pour non-conformité ou vice de forme. Enfin, Me Badsi a affirmé de nouveau que les caisses de Khalifa Bank étaient vides lors de sa fermeture, même si Khalifa Abdelmoumène déclare qu'il avait laissé 97 milliards de dinars.