Ah,
qu'elles sont choyées les femmes d'Algérie ! Non, ce n'est pas le refrain d'une
chanson orientale, célèbre et nostalgique, mais c'est l'air d'une nouvelle
mélodie venue hier de chez Christie's : la légendaire société de vente aux
enchères de New York, où le tableau de Picasso «Les femmes d'Alger», a atteint
la somme record de 179 millions de dollars et, est ainsi devenu en 11 minutes
la toile la plus chère de tous les temps. Eugène Delacroix a aussi peint «Les femmes
d'Alger dans leur appartement», toile inestimable, propriété du musée parisien
du Louvres, qui fait le bonheur des amateurs de l'art du monde entier.
Contradictions ! Mais pourquoi diable l'Algérienne est sur les cimes de
l'estime ailleurs et enfouie dans les abîmes ténébreux chez-elle ? Minorisée
dans une société culturellement rigide. Qu'elle soit mère, sœur, épouse ou
fille, son statut reste insignifiant bien qu'elle soit de plus en plus visible
et décisive dans le réel. Hier seulement, génitrice et nourrice: aujourd'hui,
peut-être c'est la fin d'une époque contraignante qui s'est éternisée pour elle
et qui l'a gardée dans une dépendance mortifère. La transition est lente, les
acquis s'arrachent à doses homéopathiques, les tabous se dépoussièrent mais ne
s'effritent pas encore. Elle sort peu à peu de sa léthargie, ne rêve plus et
prend sa destinée à deux mains. N'aspire plus à être, mais agit et prend
confiance en ses moyens, casse les boulets et défonce les barricades. N'accepte
plus l'ordre établi pour elle et contre elle. Elle se fraye le chemin pour
s'affranchir de sa soumission et de sa liberté conditionnelle. Elle occupe le
temps et l'espace; elle est partout, à l'école, au lycée et à l'université.
Elle s'assume et s'impose à l'ordre qui lui semblait immuable; elle est
avocate, juge, médecin, ingénieure, pilote, Générale dans l'armée, ministre,
diplomate, enseignante, journaliste etc. Ne veut plus de sa condition sociale
qui la relègue à l'autorité machiste et patriarcale. Ne veut plus se laisser gérer
sa vie par ceux qui lui renient la réalité de sa personne en la confinant dans
l'ordinaire gastronomique et l'enveloppant dans l'oripeau de parade. Non! plus
de contradictions. Une société n'avancera pas plus loin sur une jambe et des
béquilles. Un peuple qui laisse sa moitié collée à son verso, avec sa face de
« monoclard» à un seul œil, ne verra pas plus loin que le bout son nez. Il
reculera sur place, parce que les autres, ceux qui n'effacent pas d'un trait
leurs «alter ego» avancent sans contradictions.