Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Un officiel français à Sétif : L'hommage de Paris aux victimes du 8 mai 1945

par Yazid Alilat

Petit à petit, Paris s'achemine inexorablement vers la reconnaissance des massacres perpétrés par la colonisation française en Algérie. En particulier le génocide contre le peuple algérien en cet historique et dramatique 8 mai 1945, au moment où le monde célébrait la fin du fascisme et du nazisme. Ces petits pas concrets vers «la repentance» demandée par Alger à la France se sont concrétisés, hier ; à Sétif, une des villes-martyrs de la répression coloniale lors de ce 8 mai 1945 et des jours qui ont suivi, par une visite, hautement significative pour les deux pays, du secrétaire d'Etat français chargé des Anciens combattants, Jean-Marc Todeschini, qui a rendu un hommage aux victimes des événements de Sétif. Après la visite à Sétif de deux ambassadeurs français entre 2000 et 2012, la France, sous la gauche, envoie donc un de ses ministres en Algérie pour aller dans le sens d'une reconnaissance officielle des massacres de Sétif, Guelma, Kherrata et d'autres villes algériennes au moment où le monde aspirait à la paix après le cauchemar de la Seconde guerre mondiale.

A Sétif, Todeschini, accompagné du ministre des Moudjahidine Tayeb Zitouni, a affirmé qu'il a débuté son «voyage mémoriel en Algérie par Sétif, en cette année du 70e anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, au nom de l'amitié franco-algérienne». «Ce geste est la traduction des propos tenus par le président de la République (François Hollande) devant le Parlement algérien en décembre 2012», a-t-il ajouté, précisant que cette visite s'inscrit «dans une démarche d'amitié, de respect et dans le souci de continuer à appréhender notre mémoire commune de manière apaisée». Accompagné également par l'ambassadeur de France à Alger et du Consul général de France à Annaba, le ministre français s'était auparavant recueilli devant la stèle érigée au centre de la ville d'Ain El Fouara à la mémoire de Bouzid Saâl, premier martyr des massacres du 8 mai 1945, au pied de laquelle il a déposé une gerbe de fleurs. Il n'a pas manqué également de perpétuer la tradition en allant boire à l'eau de la fontaine Ain El Fouara. Evoquant les propos de deux anciens ambassadeurs à Alger (Hubert Colin de Verdière et Bernard Bajolet), qui avaient dénoncé «une tragédie inexcusable», il a expliqué que «le plus important, ce sont les propos du président François Hollande en décembre 2012», et que sa présence à Sétif ?'joint le geste à la parole présidentielle». Lors de sa visite officielle à Alger en décembre 2012, le président François Hollande a eu des propos très durs contre le système colonial français, sans aller cependant vers une reconnaissance officielle de la France de ces massacres. Même si au centre, comme à droite et dans l'extrême droite, cela avait irrité. Jeudi 20 décembre 2012 à Alger, au sein de l'hémicycle, il avait reconnu devant les députés «les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien», citant «les massacres de Sétif, de Guelma et de Kherrata, qui demeurent ancrés dans la mémoire et dans la conscience des Algériens», avant de dénoncer un système colonial «profondément injuste et brutal». Au premier jour de sa visite en Algérie, il avait expliqué qu'il n'est pas venu «faire repentance ou excuses». «Je viens dire ce qu'est la vérité, ce qu'est l'histoire». J'ai toujours été clair sur cette question : vérité sur le passé, vérité sur la colonisation, vérité sur la guerre avec ses drames, ses tragédies, vérité sur les mémoires blessées», avait-il précisé en réponse à une question sur les demandes d'excuses ou de repentance qui se sont élevées en Algérie. «Mais en même temps, volonté de faire que le passé ne nous empêche pas, au contraire, de faire le travail pour l'avenir.», avait ajouté François Hollande. A un peu plus de deux semaines de la commémoration par les Algériens des massacres du 8 mai 1945, et par le monde de la fin du cauchemar nazi, Paris pourrait, dans un geste tout autant historique, faire le geste mémoriel que tout le monde attend, la reconnaissance officielle de ce génocide en Algérie. Pour des relations algéro-françaises vraiment «apaisées», 70 ans après les dramatiques événements.