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Ligne rouge pour les autres, zigzag pour soi

par Kamel Daoud

Ciel vaste, bleu, profond : les nuages y sont immenses comme des dieux allongés sur le dos. Soleil dur comme un index sur la tête d'un accusé. Du neuf en terre algérienne ces jours-ci ? Rien : une routine de deux millions de kilomètres carrés allongée sur un puits. Ou peut-être du neuf pour le FFS. A lire les comptes rendus de son meeting à Alger hier, on s'amuse : le SG de ce parti vient de revenir sur terre après quelques pas sur la lune déserte et sinistre du régime : il n'y a pas d'espoir de changement doux, intelligent, calculé et serein. Le Pouvoir n'a pas de sentiments de devoir. Le SG du FFS a résumé son aventure «consensuelle» par du dépit : le régime gagne du temps, c'est sa façon de décrocher l'éternité. Retour à la grande question qui a tourmenté les élites politiques opposantes, les intellectuels, les gens, les observateurs, les retraités et les autres : ce régime est-il capable de changer doucement, de l'intérieur ou l'extérieur ? Chacun a donc essayé de trouver la solution à cette vaste muraille de Chine enroulée sur elle-même. Certains ont essayé l'intérieur, les autres les douceurs, d'autres les armes, mais rien. Le dernier en date est donc le FFS qui y a cru et permis au régime de gagner quelques mois en isolant les opposants. Retour sur le sel de la nation : les mains vides. Sceptiques assis, on s'amuse donc de ce voyage de rétraction entamé par le plus vieux parti d'opposition de l'histoire algérienne. L'histoire épique entre la terre et la liste des colons successifs. Etrange au final : à chaque fois que quelqu'un possède ce pays, il ne veut plus le lâcher que par une guerre et du sang. Pourquoi ? Souvenir d'un moment rare dans les lettres de l'Emir Abd El Kader lors de son séjour forcé en France : passant en diligence près de vergers verdoyants, il écrivit : pourquoi ces gens (les Français) veulent notre pays aride et laissent derrière eux une vallée si grasse ? Oui, étrange : il y a une mystique de la propriété chez chaque colon propriétaire de notre terre. Dès qu'il la tient, il s'y accroche, tue, lapide, dilapide, louvoie, tergiverse et met un siècle et quelques pour être chassé. Terrible.

Retour au sujet : le FFS découvre que la nature est plus forte que les volontés chez le Pouvoir. Le seul changement que le régime conçoit c'est celui qui ne commence pas par lui. La Loi est que le changement, c'est les autres qui doivent changer. Bouteflika est supranational selon la Constitution familiale. Et comme à chaque fois, le Régime trace toujours deux traits : une ligne rouge pour les autres et une ligne zigzag pour lui.

Regard glissant vers le haut. Brusque évidence : le ciel est une grande démocratie : les changements, c'est presque chaque heure. Les mandats y sont des saisons.

L'atterrissage forcé du FFS est donc la rare nouveauté d'hier.