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Le cadeau millénaire de la Finlande

par Rekibi Chikhi

Mme Hannele Voionmaa, l'ambassadrice de la Finlande, a offert un cadeau d'une valeur inestimable à Constantine, une copie d'un livre millénaire de médecine écrit par un natif de Constantine, connu sous le nom de «l'Africain constantinois».

 La date de la remise de ce cadeau est loin d'être fortuite, du moment qu'elle coïncide avec le 16 avril, la Journée nationale du Savoir, et quoi de plus précieux à offrir, en pareille occasion, que cette ancienne référence scientifique qui vient encore une fois confirmer que le savoir a toujours été le meilleur moyen qui puisse établir les relations entres les humains et il le restera. La remise de ce document au recteur de l'université Mentouri a eu lieu au terme d'une conférence de l'ambassadrice de la Finlande, portant sur la biographie, l'héritage écrit et les objectifs des voyages de l'explorateur finlandais Georg August Wallin (1811-1852), tenue jeudi dernier, à la grande salle de la bibliothèque centrale de l'université Mentouri.

L'ambassadrice a commencé sa conférence en soulignant qu'elle a été «impressionnée» par Constantine, «c'est une ville de grande histoire», dira-t-elle. Elle ajoute qu'elle est à Constantine pour présenter une personnalité finlandaise, Georg August Wallin, cet arabologue, «un érudit du Nord qui a consacré sa vie sans interruption à l'exploration des pays du Sud». «Il s'est préparé à un long périple en Orient, en faisant des études de médecine. Le désert étant exigeant pour tout le monde, vu son climat rude et impardonnable, il a apprécié d'une façon particulière les bédouins, il a joué de la flûte «Mizmar» et a même perfectionné cet apprentissage», indiquera-t-elle. Et d'ajouter qu'il «était le premier arabologue à pouvoir s'introduire dans des régions de la Péninsule Arabe, naguère impénétrables aux Occidentaux, chez les tribus de Haa Il, Al Jauf, il visitera aussi, la Médina, La Mecque. La conférencière a fait savoir également au sujet de l'explorateur finlandais qu'il a effectué d'autres voyages qui l'ont conduit au Caire, Damas, Baghdad, Beyrouth et autres. «Dans ses écrits, il a décrit d'une façon pointue ces populations et leurs dialectes», précisera-t-elle dans ce sillage. En plus, dira l'oratrice, «il avait un esprit critique envers les buts utilitaires des pays occidentaux, à cause duquel il fut renvoyé de l'Université de l'Empereur Alexandre à Helsinki», où il avait été nommé professeur de langues orientales en 1851. «Wallin s'est converti à l'islam et aura comme second nom «Abdel Walid». Il a succombé à une longue maladie à l'âge de 40 ans, et il est enterré à Helsinki dans le plus ancien cimetière musulman d'Europe», révèlera-t-elle encore devant une assistance très attentive. «Une œuvre collectée par Wallin sera éditée prochainement, elle vous sera transmise», promettra-t- elle. Par ailleurs, l'ambassadrice n'a pas manqué d'insister sur le fait «qu'il faut aller de l'avant dans la protection du patrimoine oral, par la collecte des poèmes lyriques, et je sais que vous en avez beaucoup en Algérie». «Comme il y a des gens qui font des voyages du nord vers le sud, il y a ceux qui le font du sud vers le nord», dira-t-elle à la fin de son allocution.

En marge de la conférence, l'ambassadrice de Finlande, qui a accepté volontiers de répondre à nos questions, signalera que «la faculté des sciences humaines en Finlande donne des formations dans la langue et la littérature arabe». Notre interlocutrice nous dira, au sujet de l'intérêt de la Finlande pour tout ce qui a trait avec la culture arabe, que «ce n'est pas récent, puisque Georg August Wallin était, déjà, professeur de littérature orientale en 1850». Quant à cet intérêt qu'a toujours porté la Finlande pour les pays arabes, notre interlocutrice nous dira en souriant «on n'est pas les seuls, je pense qu'il y'a même d'autres pays scandinaves à avoir cet intérêt, je ne sais pas pourquoi mais ça nous attire, on pense que cette culture représente vraiment de la science de base qu'on trouve toujours dans les universités, en plus de l'arabe, on étudie dans nos universités le latin et d'autres langues». Au sujet de «l'Africain constantinois», qui fut l'un des voyageurs qui vont du sud vers le nord, Mme Hannele Voionmaa précisera «c'est un natif de Constantine, on l'appelle l'Africain constantinois». Il est venu en Europe, puis il est arrivé probablement plus tard en Finlande». Est-ce le seul livre de ce genre que détient la Finlande ? Notre interlocutrice avoue qu'«il y a beaucoup de livres anciens dans notre bibliothèque, mais celui de «l'Africain constantinois», est un trésor, c'est extraordinaire, c'est millénaire, on avait promis de transmettre une copie a l'Algérie, il y a deux ans, parce que j'ai assisté à une rencontre d'archivistes scandinaves, et la remise de cette copie est venue suite à une collaboration entre les archivistes scandinaves et algériens». Concernant l'intérêt particulier que porte la Finlande à l'Algérie, notre interlocutrice dira «on n'a pas d'intérêt spécifique et utilitaire d'un point de vue économique, on peut l'envisager comme un intérêt universel de l'humanisme». Cette diplomate nous a confié à la fin qu'elle se définit également comme «une femme de culture», ayant sillonné le monde, avant même d'être diplomate, et qu'elle a toujours entrepris des actions autour de la culture, à travers les postes diplomatiques qu'elle a occupés au Golfe persique, en Iran et en Irak. Elle nous dira à ce propos que «la première version du livre de médecine de l'Africain constantinois, était un manuscrit écrit vers l'an 900 par un perse, Abbas, et suite à l'échange culturel entre la Perse et le Maghreb, l'Africain constantinois qui a réécrit ce livre, l'a développé et l'a renouvelé. Cela a permis que le livre soit répandu, c'était vraiment le livre de base de la médecine pendant 200 ans et plus». Donc, à ville millénaire cadeau millénaire.