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Agriculture saharienne, emploi et aides de l'Etat

par G. O.

Le 1er ministre a recommandé la formation des jeunes des régions du Sud aux métiers des hydrocarbures «dans toute leur diversité».

C'était jeudi dernier lors de sa visite au centre de formation de l'ENAFOR et de l'Institut algérien du pétrole de Hassi Messaoud. «Il faut orienter les jeunes pour qu'ils puissent avoir une formation dans le secteur des hydrocarbures dans toutes les régions du sud du pays», a-t-il martelé. Pour être plus précis, Abdelmalek Sellal a demandé aux formateurs de «laisser aux gens du Nord la coiffure et le vernis à ongles». C'est certainement pour mettre un terme au traditionnel reproche que font les populations du Sud aux autorités de permettre « le recrutement des gens du Nord pour pourvoir des postes au Sud». Les populations autochtones appellent d'ailleurs leur région «Tizi - Messaoud». Pourtant, l'on avance que la wilaya de Ouargla enregistre le taux de chômage le plus faible du pays. «Elle n'a que 4% de chômage, c'est un exploit», nous affirme un responsable local.

Sellal a par ailleurs remis des actes de concession aux agriculteurs de la région ainsi que des décisions de crédit. «Vous avez fait la pomme de terre sur 2000 hectares, pourquoi n'allez-vous pas à 20.000 hectares, vous savez que l'agriculture est la priorité de l'Etat ?», a-t-il lancé aux jeunes agriculteurs. Il leur a même reproché le fait que «Sonatrach ramène des produits maraîchers du Nord, alors que le Sud peut produire ses propres légumes». Sellal estime que «si le pays couvre actuellement 72% de ses besoins en produits agricoles, il peut continuer à produire pour en exporter même». Il leur a promis «je reviendrai, je vous suivrai au mètre près». Il a été informé par ailleurs que Gassi Touil a renoué avec la céréaliculture et, lui dit un agriculteur, «nous allons lancer en mai prochain la campagne moisson-battage».

«LA TERRE APPARTIENT A L'ETAT, C'EST LUI QUI COMMANDE»

Pour rappel, Gassi Touil, une localité de la wilaya de Ouargla, est cette fameuse ferme pilote que les Américains avaient pris en charge dans les années 90 pour en faire «un laboratoire» producteur de céréaliculture. C'était à l'époque, des étendues de blé verdoyant en plein désert qui pouvaient donner jusqu'à 80 quintaux à l'hectare. «Le désert est infiniment grand, il peut vous donner les produits que vous voulez et de bonne qualité, à condition que vous en prenez soin», nous avait dit à l'époque «un sage» alors responsable du haut commissariat à l'agriculture saharienne.

Un agriculteur avait demandé jeudi dernier à Sellal de lui permettre d'étendre sa ferme à la production laitière. «J'ai demandé deux hectares pour réaliser un projet de production du lait mais le chef de daïra me bloque», a-t-il déclaré à Sellal. «Tu commences à dire la vérité», lui a répondu le 1er ministère après lui avoir reproché d'avoir caressé avant le wali dans le sens du poil. «La terre appartient à l'Etat, c'est lui qui commande, on te donne tout de suite les deux hectares dont tu as besoin», le rassure-t-il. Le ministre de l'Agriculture rebondit en lui disant «considère que c'est fait».

Le 1er ministre interroge alors les autorités locales «avez-vous distribué les terres aux jeunes ? Produisent-ils ?» Un des responsables lui répond «on est en train de leur réaliser les infrastructures nécessaires pour qu'ils s'installent». Sellal lui rappelle «il faut que les jeunes commencent à travailler, aidez-les au maximum en équipements, techniquement et financièrement».

Dès son arrivée à Touggourt, le matin du jeudi dernier, Sellal s'était rendu sur le chantier de construction d'un hôpital de 240 lits et de deux autres de 60 lits à Rouissat et Megarine. Avant même qu'il n'ait achevé sa visite de la bâtisse en béton, les ouvriers commençaient à enlever les panneaux où étaient affichés les références du projet. C'était curieux comme action qu'il n'avait peut-être même pas remarqué. Il a su que cet hôpital sera une annexe du CHU de Ouargla. Il prévient «nous allons suivre ce projet, il faut qu'il soit prêt à la fin de l'année».

Dernier point de la visite tout en fin de journée, l'université Kasdi Merbah de Ouargla qui abrite la faculté de médecine, l'Ecole normale supérieure et la classe préparatoire en sciences et technologie.

L'HOMMAGE MANQUE AUX RESSOURCES HUMAINES

Sellal écoutera la présentation par un professeur de chimie de toutes les dimensions de cette institution. Il fera un détour pour en visiter les laboratoires. Dans la grande cour, de nombreux étudiants attendaient de s'approcher de lui pour lui exposer leurs problèmes d'hébergement et autres de transport. En vain, le 1er ministre ne leur fera pas l'honneur d'aller vers eux. Ils ont été éloignés des lieux où il devait passer de plusieurs mètres et empêchés d'avancer par des agents de sécurité en plus des barrières derrière lesquels ils ont été sommés de se tenir. A sa sortie de la salle de conférence, ils crieront en chœur pour attirer son attention. Il ne les saluera pas. Il n'ira pas vers eux. Il ne les écoutera pas. «Ce n'est pas dans le programme qu'il aille parler aux étudiants», nous dit un de ses conseillers. Pourtant, ils méritaient bien un hommage d'une autorité du rang du 1er ministre parce que parmi eux, au moins, on compte 144 inscrits en médecine dont 108 filles. C'est un signe qui pourrait rassurer les responsables de la santé qui n'ont eu de cesse de demander aux médecins du Nord d'aller travailler dans les régions reculées du sud du pays. Demande qui n'a au demeurant jamais été satisfaite en raison du scepticisme de la profession qui a toujours préféré «l'apparat» du Nord. Les filles de Ouargla relèveront certainement ce défi en exerçant bien chez eux. Pour peu qu'elles aient les moyens de le faire.