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La grande menace, toujours

par Yazid Alilat

L'Algérie serait toujours menacée de déstabilisation. Des plans secrets ou déclarés seraient toujours d'actualité pour déstabiliser l'Algérie, un des pays arabes qui est passé sans encombre la difficile période du printemps arabe. L'affirmation vient en fait d'un canal officiel, celui de M. Larbi Ould Khelifa, président de l'Assemblée populaire nationale (APN). Ses déclarations faites mercredi à la télévision nationale ne sont pas pour la consommation interne, encore moins pour faire peur. Même si de telles déclarations sur des plans secrets ?'ourdis'' contre l'Algérie pour attenter à sa sécurité et la crédibilité de ses institutions sont épisodiquement sorties des tiroirs quand il s'agit de faire bloc commun contre ?'la main étrangère''. Mais, les propos de M. Ould Khelifa cette fois-ci laissent à penser que l'Algérie est toujours sur la liste des pays menacés par les faiseurs de révolutions, de coups d'Etat et de troubles armés.

En fait, le président du Parlement a parlé de ''parties qui veulent attenter à la stabilité du pays et créer des problèmes». S'il reste vague sur la nature et l'identité de ces parties, il ajoute pourtant que ?'l'Algérie n'est toujours pas à l'abri d'autant plus qu'elle a vécu la tragédie du terrorisme et de la destruction». Les propos ne sont pas innocents, et il est même permis de penser qu'il a été quelque part ?'mandaté'' pour fuiter ce genre d'informations, même si pour le commun des observateurs de telles menaces sur la stabilité du pays ont été servies à l'envi ces vingt dernières années à des Algériens désabusés, fatigués des balles et des Heb-Heb, et qui n'ont toujours pas compris où va leur pays.

Pour autant, des événements de ces dernières semaines, il est tout à fait évident que de gros intérêts sont en jeu dans la sous-région maghrébine avec son arrière-cour du Sahel et au-delà vers l'Afrique subsaharienne. La dernière sortie du Maroc et son agressivité diplomatique contre le processus de paix au nord du Mali sous les auspices d'une médiation menée par l'Algérie est inamicale. D'autant que les services de renseignements marocains seraient derrière la création du groupe terroriste du Mujao qui s'est, par enchantement, évaporé dans les sables du Sahel sitôt réglé le problème des diplomates algériens enlevés à Gao au plus fort de la prise du nord du Mali par un conglomérat de groupes terroristes, y compris des groupes touaregs rebelles que le Maroc a toujours tenté d'infiltrer pour saborder les efforts de l'Algérie de ramener la paix et la sécurité dans cette région du Mali et du Sahel.

Maintenant, il y a l'autre gros souci de l'Algérie, la situation inquiétante en Libye où les groupes armés, dont ceux de l'EI, sont devenus une menace potentielle pour la sécurité du pays, dont les frontières ne peuvent être indéfiniment étanches de ce côté-ci. La menace est réelle, d'autant que selon des milieux avertis l'Algérie est toujours sur la liste des pays arabes qui doivent faire leur ?'mutation'' politique. Peu importe qu'elle soit démocratique ou non. L'essentiel est que le pays doit passer, comme les autres pays de la région et jusque vers la Syrie, par un changement, même violent, de son régime politique. Une réunion triangulaire Algérie-Italie-Egypte à Rome cette semaine a discuté de la menace terroriste qui viendrait de la Libye.

L'autre vision des mêmes milieux faiseurs de révolutions est que la stabilité de l'Algérie travaille pour celle de l'ensemble de la région maghrébine et au-delà vers le Sahel. C'est à peu près la position de la France qui veut se rattraper de la bourde qu'elle a faite en Libye, et surtout des Etats-Unis qui mesurent mieux que quiconque le poids de l'Algérie dans la gestion des conflits et de la menace terroriste au Maghreb, en Afrique et au Moyen-Orient. Ould Khelifa a résumé cela en disant que « l'Algérie compte des amis qui lui veulent du bien et des détracteurs qui veulent la plonger dans les problèmes». Mais, ce n'est pas nouveau tout ça.