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Avis de tempête sur les relations maroco-espagnoles

par Kharroubi Habib

En signant des arrêts d'inculpation à l'encontre de onze hauts fonctionnaires et militaires marocains susceptibles selon lui d'être jugés pour des faits de génocide commis au Sahara occidental occupé, le juge espagnol Pablo Ruz a probablement ouvert une crise qui va sévèrement secouer les relations maroco-espagnoles. Le trône et le Makhzen marocains répliqueront en effet très certainement à la décision du magistrat ibérique en exigeant des autorités gouvernementales espagnoles son annulation pure et simple et pour les contraindre ils mettront la tension dans les relations bilatérales des deux pays.

L'inculpation des onze hauts fonctionnaires et militaires marocains par la justice espagnole est un incontestable nouveau coup dur pour Rabat qui en essuie par rafales à l'approche d'un crucial réexamen du dossier du Sahara occidental au sein du Conseil de sécurité. Elle ne sera pas sans peser en effet sur le débat qui s'y ouvrira autour de la demande formulée par des parties et des organisations de défense des droits de l'homme d'un élargissement de la mission de la Minurso à la protection de ces droits en territoire sahraoui occupé.

L'enquête sur les conclusions desquelles le juge espagnol s'est appuyé pour prendre ses arrêts d'inculpation a été ouverte en 2007 et fait ressortir qu'il existe des « indices rationnels » permettant de juger les onze personnalités marocaines concernées. Elle corrobore en cela celles menées par différents acteurs internationaux ayant établi que l'occupation marocaine au Sahara occidental se traduit par une inacceptable répression contre la population civile aux dimensions génocidaires indiscutables.

Ces conclusions dont les auteurs ne peuvent tous être catégorisés en tant qu'ennemis acharnés du Maroc et encore moins comme les en accuse la propagande de Rabat d'être inféodés à l'Algérie, affolent le trône et le Makhzen au point de les pousser à exercer de honteux chantages qui vont jusqu'à la rupture ou le gel des relations avec les Etats qui leur font crédit. C'est ce que Mohamed VI et le gouvernement marocain brandiront à l'égard des autorités espagnoles si elles n'agissent pas pour bloquer la décision du juge Pablo Ruz. Le Sahara occidental est un sujet sensible entre Madrid et Rabat depuis l'annexion en 1975 de cette ancienne colonie espagnole. Madrid en tenant compte de l'importance des intérêts espagnols dans le royaume marocain s'en tient officiellement à fermer les yeux sur les faits dénoncés par les organisations de défense des droits de l'homme. Les autorités espagnoles ne peuvent néanmoins persister dans la même attitude alors que la justice de leur pays abonde dans le même sens que ces organisations.

Le trône et le Makhzen qui sont réfractaires et imperméables au principe de la séparation des pouvoirs feront sans lésiner sur les moyens pression sur Madrid pour l'annulation de la décision de la justice espagnole. Si les autorités madrilènes cèdent aux pressions marocaines, elles se mettront ainsi en décalage avec le sentiment de réprobation qu'exprime la majorité de leur opinion nationale contre les méfaits que commet l'occupant marocain au Sahara occidental.