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Industrie : Bouchouareb veut rattraper le temps perdu

par Zahir Mehdaoui

Le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, ne désarme pas et continue de croire qu'il peut réaliser ce qui ne l'a pas été depuis plus d'une quinzaine d'années, à savoir relancer le secteur industriel qui constitue l'un des poumons par lequel respire tout pays qui s'engage sur la voie du développement économique.

Pour ce faire, le ministre a réuni jeudi dernier les dirigeants des nouveaux groupes industriels pour amorcer le lancement effectif de la deuxième phase du plan de réorganisation du secteur public marchand industriel.

La rencontre organisée au site Sider à Hydra, sur les hauteurs d'Alger, a été en effet consacrée principalement au lancement de la deuxième étape de la réorganisation du secteur public marchand à travers l'élaboration de «feuilles de route» des groupes qui seront évaluées d'ici la fin mai prochain.

La réunion de travail a permis en ce sens de présenter, débattre puis valider une feuille de route détaillée devant aboutir à des groupes «entièrement autonomes et opérationnels» dans un délai de trois mois.

«Cette feuille de route est ordonnancée autour de huit actions dont la plus importante est la préparation du plan d'actions de chacun des groupes industriels et des mesures d'accompagnement devant faire l'objet d'une présentation devant le conseil des participations de l'Etat (CPE)», indique un communiqué du ministère qui précise que pour y arriver, les groupes industriels vont pouvoir s'appuyer sur toute l'expertise qu'ils jugeront utile de solliciter afin de mener les études nécessaires à la formulation des plans d'action.

A ce titre, ajoute la même source, les managers des nouveaux groupes industriels disposent désormais d'un modèle de termes de référence qui leur permettra de recruter, rapidement, l'expertise nécessaire pour les accompagner dans la construction des entreprises.

Bouchouareb veut-il s'attaquer à la «bureaucratie» dans laquelle est confiné le secteur public marchand industriel ? C'est ce qui est suggéré en tous les cas par le ministre en donnant une sorte de «carte blanche» aux nouveaux managers des groupes industriels qui auront désormais toute latitude de faire des «choix délicats» sans mettre les doigts dans l'engrenage bureaucratique qui freine toute initiative salvatrice qui bloque depuis des décennies l'émergence d'une véritable industrie et, par ricochet, l'émergence d'une économie hors hydrocarbures.

LA FIN DU TUTORAT DE L'ETAT ?

«En entamant la réorganisation par le haut, c'est-à-dire les SGP, pour descendre ensuite vers les filiales nous avons fait le choix, conscient, qui ne perturbe pas le fonctionnement des entreprises et qui n'entrave pas la dynamique de mise en œuvre de leurs plans de développement et d'investissement», a déclaré en outre le ministre qui appelle à une «libération totale des énergies» pour, dit-il, «faire la différence entre ce qui existait et ce qui est en train de se créer aujourd'hui».

Le ministre de l'Industrie et des Mines a également insisté auprès des managers des groupes industriels pour travailler à gagner l'adhésion et la coopération des collaborateurs, de l'ouvrier au plus haut dirigeant, pour créer une dynamique et un mouvement d'ensemble convergeant vers les objectifs tracés pour faire émerger des groupes leaders dans leurs domaines d'activité.

Le ministre insistera tout particulièrement sur l'impérieuse nécessité de se doter de plans de communication internes associant le partenaire social dans le but d'expliquer, de sensibiliser et de motiver autour des enjeux et des objectifs de la nouvelle vision.

«Nous avons engagé la réflexion pour clarifier la nature des rapports administration-groupe industriel par sa redéfinition et son adaptation pour concrétiser les notions de fin du tutorat sur l'entreprise publique et de l'entreprise publique autonome, concepts fondamentaux du nouveau système de gouvernance de l'entreprise publique industrielle qui constitue un axe principal de la restructuration du secteur public marchand industriel», a encore ajouté Bouchouareb lors de son intervention à la rencontre en notant à l'adresse des nouveaux managers qu'il faudrait désormais «manager, faire des choix et les assumer».

C'est le rôle des managers des groupes mais également et surtout des membres des Conseils d'administration.

«Les administrateurs sont entièrement responsables des résultats de leurs entreprises. Le ministère vous accompagnera et vous soutiendra pour lever toutes les contraintes. Cependant, je veillerai fermement à l'application des orientations stratégiques de l'Etat. L'Etat est décidé à faire du secteur public le levier pour amorcer la construction de notre ambition industrielle et y a mis les moyens», a tonné le ministre en promettant que l'Etat, en sa qualité «d'investisseur soucieux de l'usage de ce qui est fait de ses deniers», veillera scrupuleusement dans le cadre de la loi à ce que l'objectif assigné soit atteint.

A noter que les douze groupes industriels mis en place par le ministère de l'Industrie et des Mines le 23 février 2015 portent pour sept d'entre eux sur les filières de l'agro-industrie, des industries chimiques, des équipements électriques, électrodomestiques et électroniques, des industries locales, de la mécanique, des industries métallurgiques et sidérurgiques et des textiles et cuirs. Les cinq groupes existants sont : la société nationale des véhicules industriels (SNVI), le groupe industriel des ciments d'Algérie (Gica), le groupe pharmaceutique Saïdal, la société nationale des tabacs et allumettes (SNTA) et Manadjim El-Djazaïr (Manal). Le nouveau schéma englobe aussi des entreprises déjà existantes dans le portefeuille du ministère : l'entreprise d'études et conseils en financement pour l'industrie (Ecofie) chargée de la consolidation d'agrégats économiques du secteur public marchand pour le compte du gouvernement, ainsi que quatre SGP de zones industrielles qui gèrent pour le compte de l'Etat les titres de 32 entreprises.

«Si la nouvelle organisation était déterminante pour l'économie nationale, aujourd'hui, elle l'est pour le pays tout entier. Nous sommes dans l'obligation d'atteindre cette diversification de l'économie. La création de la richesse en dehors des hydrocarbures relève de l'avenir et de la sécurité nationale», a conclu le ministre avant d'annoncer la prochaine réunion d'évaluation pour la fin du mois de mai prochain.

Par ailleurs, en marge de la réunion, le ministre réaffirme le soutien de l'Etat en accompagnant les entreprises censées contribuer à la diversification de l'économie dans une conjoncture marquée par la baisse des cours mondiaux du pétrole. Rappelant que l'Etat avait consacré, en 2010, une enveloppe financière de 12 milliards de dollars pour le développement des entreprises publiques et dont 30% seulement ont été consommés, le ministre a fait savoir que le montant restant sera affecté aux nouveaux groupes.

Questionné par la presse sur le sort des groupes qui n'auront pas atteint les objectifs assignés, le ministre a averti que leurs managers seront alors remplacés.

Enfin, le ministre n'écarte pas l'éventualité d'une révision du code des marchés publics, notamment à travers la modification de certains articles du texte en fonction, dit-il, des besoins et des situations du marché.