Cinq familles
squattent leurs propres logements depuis près de deux ans (?!). Cela peut
paraître invraisemblable du fait de l'antinomie juridique des mots, mais le
fait est là avec ces familles qui ont choisi d'occuper leurs logements avant
l'achèvement des travaux du projet de construction de 100 logements sociaux
participatifs (LSP), dont le premier coup de pioche remonte à la fin de l'année
2004. L'espoir d'une cérémoniale invitation s'étant évaporé au fil d'une
décennie passée dans l'expectative, 5 souscripteurs au projet des 100 logements
LSP, sis UV n°2 à la nouvelle ville Ali Mendjeli (à proximité de la
polyclinique Hocine Benkadri), ont investi des appartements encore à l'état de
chantier et y ont élu domicile dans des conditions parfois effroyables. «Nous
avons en notre possession des contrats de vente sur plan (VSP), ce sont nos
logements qu'on a payés entièrement (ndlr, 165 millions de centimes) et qu'on a
décidé d'occuper pour diverses raisons, pertinentes, malgré le non-achèvement
des travaux par le promoteur», nous dira l'un des concernés.
En premier lieu,
on citera l'argument du loyer «excessif» exigé par les particuliers. «J'ai
passé dix ans dans des logements loués à des prix qui m'ont saigné, maintenant,
je n'en peux plus, je n'ai plus d'argent pour aller ailleurs. Tout ce que je
possède est investi dans ces murs et c'est là que je demeurerai, vaille que
vaille», souligne sur un air tranchant un père de famille. Bien sûr,
reconnaîtra-t-il, «la vie dans ces logements dépourvus de tout ressemble plutôt
à un véritable bourbier, mais c'est plus avantageux que toute autre option».
Sur les lieux, on s'arrange au mieux pour s'approvisionner en eau et se
brancher à l'électricité. Reste le défaut de raccordement au gaz naturel, qui
contraint les familles à se tourner vers les bouteilles de butane, inefficaces
pour chauffer des appartements transformés en chambres froides lors du dernier
hiver rigoureux. «Pour prendre un bain, on doit se déplacer chez des proches.
Une femme vit avec son bébé de 6 mois dans des conditions très difficiles à
supporter même pour des personnes adultes. Nous vivons dans la frustration, on
manque de moyens les plus élémentaires dans la vie quotidienne, on ne profite
pas de notre bien qu'on attend depuis 2004, date à laquelle on s'est inscrit au
projet. Est-ce possible dans un pays de droit ? Y a-t-il quelqu'un pour nous
donner justice et imposer au promoteur d'achever les travaux qui restent encore
en suspens ?», s'interroge l'un des concernés avec un regard désespéré. Ce
dernier nous apprendra que la banque a entamé depuis une année l'opération de
retrait mensuel pour recouvrer ses prêts, alors que le logement payé à l'aide
du prêt en question n'est pas encore finalisé, «c'est tout simplement
inadmissible», dira-t-il. «Déçus» par le comportement du promoteur, qui ne
manque pas de leur promettre à chaque fois que le chantier, qui a atteint un
taux d'avancement de 75%, sera réceptionné dans quelques mois, et par
«l'absence de contrôle» des services compétents, qui n'ont pas manifesté leur
inquiétude au sujet de ce projet en «stagnation», les 5 familles lancent un
appel de détresse au wali. «Nous sommes en danger, à la merci d'un entrepreneur
qui ne fait aucun effort pour livrer les logements à leurs bénéficiaires.
Faites quelque chose pour nous rétablir dans notre droit», ont-ils crié.