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CHASSE GARDEE

par M. Abdou BENABBOU

Un sérieux et crédible président d'une association médicale vient de révéler un chiffre qui devrait se passer de tout commentaire. Il affirme que 10 000 médecins formés en Algérie pratiquent leur métier aujourd'hui en France. Le chiffre ne concernerait que la France et il est fort à parier qu'il devrait être multiplié par dix pour connaître le nombre des exilés médicaux algériens à travers le monde. On a aussi une idée juste sur l'importance des vagues des cerveaux pleins et utiles forcés à l'excommunication alors qu'ils n'avaient revendiqué seulement que le plaisir de siroter avec paix et sérénité un thé dans une terrasse de café chez eux.

On ignore dans quelles conditions ils professent, mais on connaît l'environnement dans lequel ils vivent. Ce n'est certainement pas le paradis, mais leurs vies quotidiennes doivent cependant bénéficier de règles et de normes qui font d'eux des citoyens à part entière. Il est certain qu'en Algérie, chez eux, ils ne demandaient pas plus. Un logement décent et un brin de considération conforme à leur statut social. Nombre d'entre eux avouent souvent avec patriotisme et passion sincère qu'ils ne se formaliseraient pas des lourdes excroissances politiques et sociales de leur pays et qu'ils se plieraient à son profond dérèglement pour peu qu'ils soient écoutés et qu'on leur accorde un minimum d'attention. Or l'écoute et l'attention dans leur Algérie est la chasse gardée de flous acteurs à mi-chemin entre la politique et les affaires, focalisés farouchement sur la défense de leur propre territoire et légalisant par le mensonge et l'effronterie la logique du butin de guerre maintenant définitivement ancrée. Les passe-droits n'ont pas besoin de diplômes et un amateur cordonnier et un apprenti député qui ont suivi le cursus des ateliers des mauvais génies bénéficient de plus de respect et de considération qu'un chirurgien chevronné.

Les résidences et les aires de vie protégées ne sont pas pour les citoyens qui ont de l'épaisseur et de la hauteur et on a souvent vu des sommités avérées faire leur valise et quitter leur pays pour un petit appartement refusé. L'effroyable inversement des valeurs nourri de tous les opportunismes de mauvais aloi a accordé la priorité au charlatanisme enseigné dans le luxe des suites d'hôtels malfamés et des recoins de bureaux avisés.

Il ne suffit donc pas que des médecins soient formés. C'est l'auréole qui leur est due qui doit être entretenue et en permanence allumée.

En attendant des jours meilleurs, le président d'une de leurs associations peut poursuivre son décompte. A la limite du funéraire.