Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Après l'attentat terroriste au Kenya : «Nous sommes tous Garissa»

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

Sommes-nous les mêmes victimes du même terrorisme ? Il est vrai que Paris, Tunis ou Madrid ne sont pas Garissa. Le terrorisme, lui, ne fait pas la différence.

Jeudi dernier, au moment même où les hordes terroristes somaliennes, les «Shebab», massacraient 148 jeunes étudiants au sein du temple du savoir de Garissa, au Kenya, et en blessaient plus de 200 autres, les journalistes dessinateurs de l'hebdomadaire satirique français «Charlie Hebdo» s'extirpaient sur l'utilité des quelques 30 millions d'euros offerts par le mouvement solidaire à la suite du drame terroriste qui l'a frappé le 7 janvier dernier. Manifestations citoyennes françaises, présence solidaire de chefs d'Etats étrangers à Paris et mouvement mondial de sympathie envers les Français qui dura plusieurs semaines. Quelques articles noyés dans le reste de l'actualité internationale pour le terrible drame de Garissa. Puis plus rien. Pas une seule manifestation de soutien et de condamnation de principe que lors de la destruction, en février dernier, des copies des statuettes de l'époque hellénistique du musée de Mossoul dans le nord irakien. Qu'est-ce qui fait que les hommes sont horrifiés et se révoltent pour la mort brutale d'autres hommes et ne remarquent pas celles d'autres hommes ? Leur couleur de peau ? Leur croyance religieuse ? Leur nationalité ? Leur statut social ? Sommes-nous différents face à la mort ? Le terrorisme est transnational et n'a pas de nationalité, dit-on.  Il tue là où il le veut, quand il le veut, dit-on. Il faut lui opposer une résistance transnationale et une solidarité internationale, dit-on. Pourquoi un si beau mouvement de solidarité ému, de présence et de sympathie à Paris, Tunis, Londres ou Madrid et ce triste oubli et cette distance avec Garissa ? Est-ce parce que Garissa est loin de nous ? D'ailleurs, qui connaissait Garissa, cette contrée quelque part au Kenya ? Maintenant que cette ville, Garissa, est entrée par le malheur et le drame dans notre connaissance géographique, peut-on lui manifester par quelques mots, quelques paroles, notre affliction et lui dire pardon pour tant d'oubli? «Nous sommes Garissa», «Nous sommes Kenyans», donnerait un peu de chaleur et de soutien moral au Kenyans. Comme avec Charlie Hebdo, comme avec Tunis.        Cela ne nous demande aucun effort. Juste un slogan en trois mots. Pas des dons d'argent pour reconstruire les dégâts humains du drame vécu par les familles des étudiants. Juste une parole. Une pensée. Sans le même mouvement de révolte face à l'horreur terroriste où qu'elle se produise, la solidarité pour le combattre là où il se manifeste se fissure, s'affaiblit. La propagande terroriste usera de cette différence de réaction pour faire croire à ses futures recrues à une différence entre «nous» et «eux» dans la vie et dans à la mort.

Ils exploiteront notre indifférence face aux «autres» et notre effroi lorsqu'il s'agit «d'eux». Cette indifférence est un ingrédient supplémentaire qui favorise leur funeste projet d'incruster dans nos consciences une différence humaine et une inégalité de race et de religion et ils en feront la raison de leur «combat». Parce que, nous Algériens, en savons ce qu'est l'horreur terroriste, l'indifférence des autres et la solitude de notre lutte en ces temps-là, nous sommes en devoir d'alerter lorsque le drame touche d'autres êtres humains ailleurs dans le monde et de leur dire notre soutien et notre sympathie.

 Pour qu'ils aient l'espoir de retrouver la vie. Comme nous après la longe nuit de solitude. Disons et écrivons: «nous sommes tous Garissa».