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Collectivités locales : La grosse épreuve du biométrique

par Ghania Oukazi

Le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales a bloqué le système de données biométriques pour ne pas permettre aux citoyens détenteurs de passeports ordinaires, dont la validité dépasse les six mois, de les renouveler.

C'est à coups d'éclat médiatique que le ministère de Taieb Belaiz annonce que les Algériens peuvent désormais suivre les étapes de renouvellement de leur passeport biométrique sur Internet. Il a en outre fait savoir que les Algériens résidant à l'étranger peuvent, eux aussi, faire sortir leur passeport biométrique dans les consulats « avec plus de facilité qu'avant ». C'est à croire que tout a été réglé et tout se fait sans problème à ce propos. Or, c'est loin d'être le cas. Le ministère des Affaires étrangères devra informer son homologue de l'Intérieur que les consulats algériens sont assiégés (notamment en France) à partir de 4h du matin par nos ressortissants qui veulent décrocher un quelconque document ou simplement le faire légaliser. « C'est la galère quand on se déplace au consulat, il y a un monde fou et le service semble être assuré au strict minimum », nous disent des émigrés. «Pour retirer un S12 d'un consulat, il faut attendre six mois, le comble est qu'on ne peut même le retirer à partir de notre lieu de naissance en Algérie, au prétexte que la demande a été faite dans un consulat. On nous tourne en bourrique », s'indigne un ressortissant algérien à Paris.

Et pour le commun des Algériens, avant de pouvoir suivre sur Internet les étapes par lesquelles doit passer leur passeport biométrique, il leur faudrait, en premier, pouvoir en déposer le dossier. Il semble que le gouvernement algérien se plaît à mettre les Algériens dans des situations de pagaille et de bousculade à chaque fois qu'ils sollicitent une administration publique. Ce que ne dit pas en effet le ministère de l'Intérieur est qu'il a bloqué le système central de données biométriques pour empêcher les détenteurs de passeports ordinaires dont la validité est de plus de six mois de le renouveler.

LES TARES D'UNE GOUVERNANCE

«Il faudra attendre que le passeport a juste six mois de validité pour le refaire », dit un agent aux citoyens qui se sont présentés la semaine dernière devant les guichets de certaines circonscriptions administratives de la capitale. « On ne peut pas accepter votre dossier parce le système informatique est bloqué au niveau du ministère, on ne peut rien introduire comme donnée », ajoute-t-il.

Ce qui est nécessaire de rappeler est que nombreux sont les citoyens qui ont fait proroger leurs passeports ordinaires jusqu'en novembre 2015, date butoir, pour les faire changer par des passeports biométriques sur exigence de la réglementation internationale. « S'ils veulent refaire leur passeport, il faut qu'ils aient soit changé de résidence, d'activité ou alors le document a été abîmé », nous indique un fonctionnaire. C'est à croire que le ministère pousse les Algériens à tricher. Ceux qui veulent avoir un passeport biométrique pour pouvoir décrocher un visa de plusieurs années au lieu de quelques jours quand la durée de validité est courte, ne se gêneront certainement pas de « monnayer » une résidence avec une fausse adresse ou une fausse attestation de travail ou de trouver un subterfuge pour abîmer leur passeport.

Autre fait navrant, le ministère n'a pas non plus pensé que, dans deux mois, les guichets des daïras déborderont de monde parce que tous ceux qui ont un passeport qui expire en novembre voudront le changer à la même période. Il lui importe peu ainsi si les Algériens se marchent sur les pieds, se bousculent dans les administrations, ou passent des journées entières pour arracher un document ou un imprimé qui constitue un droit.

QUAND LES FAITS SONT TETUS

Rien n'est fait pour leur faciliter la tâche. Autre absurdité que le ministère ne dit pas. L'on note que lorsque les citoyens ont fait proroger leur passeport ordinaire à novembre 2015, il leur a été demandé de s'acquitter de la procédure du passeport biométrique. En clair, ils ont tous fourni un dossier pour le biométrique selon les normes internationales, se sont fait photographier dans les salles des daïras et leurs empruntes ont été prises par des « machines » achetées avec de gros sous spécialement pour ces opérations. Ils sont donc censés être enregistrés dans le système informatique central pour, en cas de renouvellement de passeport, ils en remettent juste l'ordinaire pour avoir le biométrique sans être obligés de fournir un nouveau dossier. C'est du moins ce qui nous a été dit », nous renseignent des citoyens. Ils ont cru un moment que l'administration a véritablement évolué et que le discours acharné du 1er ministre contre la bureaucratie commence véritablement à porter ses fruits. Mais il n'en est rien. Des cadres du domaine nous expliquent que toutes les données qui ont été prises n'ont pas été enregistrées et que les Algériens concernés doivent refaire toute la procédure. « Les données devaient être stockées dans le système informatique central une fois pour toutes pour être emmagasinées dans une puce électronique ; mais le travail n'a pas été fait convenablement puisqu'elles n'ont pas été mises dans cette fameuse puce nécessaire au biométrique. Donc, tout est à refaire », nous explique un commissaire de police. En plus de la pagaille, le ministère de l'Intérieur gaspille le temps et l'argent des citoyens puisqu'il a utilisé les équipements du biométrique pour la collecte de données qu'il a jetées dans les poubelles au nom d'un laisser-aller qui est devenu la règle dans la gestion des affaires de l'Etat et du service public.