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SAÏDA: Cancer, des témoignages

par Tahar Diab

Défini comme étant la première maladie du siècle, le cancer, qui ne cesse de prendre de l'ampleur, va être pris en charge à bras le corps par un Plan national de 2015 à 2019.

Dans le cadre de la mise en œuvre d'une nouvelle vision stratégique centrée sur le malade, la direction de la Santé et de la Population a organisé, la semaine écoulée, à l'institut national supérieur de la formation paramédicale, une journée d'information et de sensibilisation aux profits des professionnels de la santé. Les huit communications académiques largement présentées n'ont pas offert le même répit à moult interrogations inquiétantes des praticiens, dont bon nombre d'entre eux se demandent «où doit se situer efficacement la place du médecin généraliste qui n'assure en aval que la transition préliminaire du cancéreux ? ». Pourtant, soulignent-ils, le médecin, qui constitue la pierre angulaire, demeure délaissé à sa proximité médicale, sans pouvoir profiter du suivi de la maladie chez son patient qui accède difficilement après du spécialiste du secteur étatique. Devant la complexité de cette maladie, ce dernier ne retrouve pas, à son tour, la constitution d'une équipe pluri- discipline indispensable, seule capable d'établir un diagnostic consensuel assurant donc une responsabilité partagée. La nouvelle politique du ministère table en urgence sur la réception programmée de 15 Centres anti-cancer (CAC), Saïda non comprise, et ce, malgré l'apparition de 200 nouveaux cas par année et surtout, répètent les associations, la disponibilité onéreuse d'une ancienne infrastructure hospitalière de renom (l'ancien hôpital), dont la remise à niveau demeure illusoire par rapport à l'acquis de taille d'un 16ème C.A.C qui n'exige que les nouveaux équipements et un encadrement médical spécialisé qui ferait le bonheur des Saïdéens .

Le recensement de cancéreux traités entre 1999 et 2012 fait état de plus de 3000 cas, avec une prépondérance de 63 % chez les hommes et 37 % chez les femmes.

Devant l'augmentation effarante des chiffres, le ministère a décidé d'uniformiser les registres des cancéreux pour une meilleure maîtrise des statistiques, dans l'objectif imminent d'instaurer un véritable réseau national à l'effet d'orienter équitablement les malades selon la meilleure approche géographique?

La communication symbolique a échu à un ex-fumeur d'origine irakienne, le docteur Shwan Ahmed Zainel dont l'intégration réussie au mouvement associatif et surtout le milieu sportif est une référence pédagogique pour les 70 % de cas de bronches et de poumons. La population a submergé ses services par les consultations externes où il ne cesse de prodiguer carrément l'abstinence au tabac, y compris la cigarette électronique, de s'adonner régulièrement au sport et de vaincre la timidité pour la thérapie de groupe. Autour du riche débat ambitieux du programme national, le docteur Ghazi, membre de l'association de Formation continue des médecins et militant actif du mouvement associatif suggère que, pour combler le retard vis-à-vis de ce fléau, il serait urgent de constituer une commission permanente de véritables volontaires engagés afin d'établir d'une façon pragmatique un plan d'action locale soumis officiellement à des rendez-vous périodiques d'évaluation.

Le docteur Kourat soulignera qu'il faudra apporter plus de considérations intrinsèques au généraliste dont le travail de fourmi en recherche médicale serait plus approprié par rapport aux laboratoires scientifiques qui piétinent encore à rechercher les origines de cette lourde maladie qui hante même les populations des pays les plus avancés.

Le témoignage le plus émouvant demeure inscrit par la doctoresse Rahmani dont l'époux ingénieur lui a été arraché à la fleur de l'âge par cette terrible maladie, où même l'entourage du patient vit le calvaire, dira-t-elle en connaissance de cause.Très au parfum des moyens matériels hospitaliers en Europe, elle affirmera que notre encadrement n'a rien à envier à l'étranger hormis les nouveautés auxquelles la tutelle doit assurer équitablement la formation spécialisée, comme à l'instar du nouvel instrument moins douloureux pour la fibroscopie. Elle achève son intervention marquante en déplorant la disparition scandaleuse de bon nombre d'instruments neufs et/ou fiables dont elle prenait soin aussi pour leur maintenance afin d'améliorer leur durée de vie.

L'intervention la plus inattendue par les organisateurs atterrit par la courageuse voix de la présidente de l'association Nour Errahmane qui ne manquera pas de fustiger l'administration du secteur sanitaire sur les pannes simulées de trois principaux instruments et non des moindres (le scanner, la fibroscopie et la mammographie) dont l'indisponibilité est démentie par leur état totalement neuf, à moins, ajoutera-t-elle, que leurs accessoires les plus usuels n'en soient délestés, situation spécifique à notre bureaucratie, faisant l'aubaine d'un secteur privé qui s'embourgeoise pour appauvrir le secteur étatique. Dans sa modeste contribution, cette association se félicite du dépistage de 27 cas sur 50 prévus, avec comme résultat 3 cas dépistés dont une jeune fille de 23 ans. Cette complexité se retrouve plus accentuée chez la femme qui aurait pu « s'auto-diagnostiquer » par de simples tests préliminaires et soigner ainsi sa maladie tout à ses débuts. Dans leurs recommandations, les participants ont été unanimes pour multiplier de telles rencontres sans attendre les directives de la centrale, d'accentuer la formation sur les nouveautés scientifiques, de promouvoir les échanges et de profiter mutuellement des expériences de chacun, car ce noble métier, exercé individuellement, est une mission collective qui a aussi grand besoin de devenir intersectorielle pour mieux s'expliquer sur cette maladie complexe ... Ils émettent le souhait de voir raccourcir les délais de rendez-vous qui ne se comptent plus par semaine mais par mois, voire sur plus d'une année où certains malades ratent le rendez-vous, étant emportés par la mort à cause d'une bureaucratie latente qui ne pouvait même pas leur prodiguer des médicaments pour améliorer seulement la durée de survie. Ces médicaments sont si chers que certains responsables préfèrent les préserver dans leurs bureaux pour éviter la mauvaise surprise de leur gestion aléatoire de la pharmacie hospitalière.

Enfin, les praticiens insistent sur la formation et la stabilité du corps paramédical affecté aux cancéreux qui nécessitent une prise en charge sans faille et surtout une psychologie adaptée qui semble encore faire défaut au sein de notre encadrement médical. Le directeur de la Santé avait rappelé, à l'ouverture de cette rencontre, que ce secteur de l'espérance avait prouvé dans les années 80 sa mobilisation payante d'éradiquer toutes les maladies contagieuses. Maintenant, face à ce fléau qui intrigue le monde de la science, nos jeunes médecins sont aussi capables de relever le défi pour stabiliser, au moins, cette terrible maladie qui hante le patient, et qui en a honte d'en parler comme ce fut pour le cas du Sida.