Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Palestine : Un rapport implacable

par M'hammedi Bouzina Med: Bruxelles

Les diplomates européens accrédités à Jérusalem ont remis leur rapport annuel sur la situation à Jérusalem (El Qods), ville trois fois sainte. Leur constat est implacable : Israël pratique une politique de purification ethnique et ne veut pas partager la ville capitale pour deux Etats : palestinien et israélien.

Le rapport annuel des représentations diplomatiques des 28 pays de l'UE sur la situation en Palestine occupée démontre clairement la volonté de l'Etat d'Israël de s'opposer à la création d'un Etat palestinien et de conquérir, par conséquent, ce qui reste de la Palestine. Le rapport en question, à diffusion restreinte, et que le site français d'information et d'investigation Mediapart s'est procuré et diffusé vendredi dernier, donne de réelles inquiétudes à la diplomatie internationale quant à tout espoir de paix et d'indépendance de la Palestine. Le point de référence qui traduit le mieux le sinistre projet du gouvernement israélien est le sort subi par Jérusalem-Est, reconnue comme future capitale de l'Etat palestinien dans les négociations israélo-palestiniennes garanties par la communauté internationale. «Au cours de l'année 2014, la situation s'est gravement dégradée à Jérusalem dans pratiquement tous les domaines couverts par les rapport précédents», constatent les diplomates européens avant de conclure « qu'aussi longtemps que le statut de la ville ne sera pas résolu, un accord global entre Israéliens et Palestiniens ne sera pas possible. Ce point n'a jamais été aussi pertinent que cette année». Autrement dit, depuis la guerre de 1967 qui a permis à Israël d'envahir la Palestine. L'occupation tous azimuts de Jérusalem, notamment sa partie est ne laisse aucun doute sur le but poursuivi par l'Etat hébreu : chasser de Jérusalem les Palestiniens qui y vivent depuis des millénaires.

Le rapport constate que sur les 540.000 colons recensés en 2014, plus de 200.000 sont installés à Jérusalem-Est, c'est-à-dire la partie arabe de la ville où ils ne sont plus que 300.000. C'est un vrai plan de «purification ethnique» lancé par Israël. Le gouvernement israélien mène la même stratégie à la périphérie de la ville en chassant les paysans et bédouins arabes de leur terre ancestrale pour y construire immeubles et villas au profit des Juifs israéliens. La conclusion des diplomates des 28 pays européens est sans appel: «Si ce projet se poursuit et est réalisé, il couperait Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie, et la diviserait en une partie nord et une partie sud, portant un coup sévère à la contiguïté d'un futur Etat palestinien et au potentiel de Jérusalem comme future capitale de deux Etats». Du coup, les diplomates européens sonnent l'alarme sur l'extrême tension et le niveau de violence qui règne dans la ville qui est « plus divisée qu'elle ne l'a été depuis 1967». Ainsi, régulièrement, des hommes politiques du gouvernement israélien, des colons et extrémistes religieux, font-ils irruption sur l'esplanade des mosquées et provoquent les Palestiniens, alors que l'accès à l'esplanade des mosquées est interdites aux jeunes palestiniens. La tension est quotidienne à tel point que «le chef de la police israélienne à sévèrement critiqué ces visites-irruptions» le 25 novembre dernier. L'interdiction de l'accès aux deux mosquées de Jérusalem, notamment durant la période du ramadhan a fait chuter le nombre de Palestiniens musulmans aux mosquées de 466.466 en 2013 à 45.291 en 2014. Les habitants de Gaza et Hébron sont totalement interdits d'entrée à Jérusalem par exemple. Par ailleurs, la population arabe musulmane est soumise à un véritable politique d'apartheid: discrimination dans l'accès aux droits élémentaires: santé, éducation, travail, culture etc. Alors qu'elle est soumise à la même fiscalité qu'elle paie.

Les auteurs du rapport proposent quarante mesures à prendre immédiatement pour donner quelques espoirs de paix pour un futur Etat palestinien: sauver l'avenir de Jérusalem comme future capitale de deux Etats; préserver et consolider l?identité religieuse et culturelle de la ville ( chrétienne, musulmane et juive); encourager le dialogue inter-religieux; lever l'embargo social sur la ville; donner de la visibilité à la politique et la présence de l'Union européenne dans la ville; rouvrir les institutions palestiniennes fermées par Israël; soutenir et héberger dans les capitales européennes les manifestations culturelles et les associations palestiniennes, y compris au sein des résidences diplomatiques européennes etc. Le rapport des diplomates européens accrédités à Jérusalem ne fait, en réalité, que confirmer les doutes de la communauté internationale sur les buts «avoués» de la politique coloniale d'Israël en Palestine : faire disparaître la Palestine historique au profit d'un grand Israël qui ose même lorgner sur les frontières avec les voisins arabes: Liban, Syrie, Cisjordanie voire le Sinaï égyptien. Il faut reconnaître aux diplomates européens le courage de dire et de dénoncer la colonisation de la Palestine et le régime d'apartheid imposé aux populations arabes et musulmanes. Evidemment, la question demeure entière et terrifiante : pourquoi la communauté internationale est-elle incapable d'imposer à Israël le respect des résolutions pertinentes de l'ONU, de l'Union européenne, des pays de la Ligue arabe?Du reste du monde en fait ? La peur d'une insécurité pour Israël ou, comme le fait croire le gouvernement, la disparition d'Israël ? Pour l'heure c'est la disparition de la Palestine à laquelle assistent les Arabes et le reste du monde.