Combien sont-ils ces jeunes, éjectés du système éducatif et directement
versés sur le marché de l'emploi ? Souvent sans qualification professionnelle
ni de formation, ayant quitté l'école très tôt, ils envahissent le marché du
travail, à la recherche d'une opportunité, qui pour survivre, qui pour subvenir
et venir en aide à sa famille. Et la chance n'est pas donnée à tout le monde,
lorsqu'on est confronté à une telle situation d'urgence, caractérisée par la
précarité.
Le commerce informel vient, souvent, absorber une grande part de cette
main-d'œuvre bon marché, mal structurée, désorientée, happée par la voracité de
certains esprits mal-intentionnés. Ahmed est de ceux-là, à peine sorti de
l'adolescence, la nécessité l'a poussé à délaisser sa lointaine bourgade d'El
Ogla Malha, terre décharnée du sud de Tébessa, pour venir tenter l'aventure
douloureuse, de la jungle de l'informel où tout n'est pas rose, « j'ai eu du
mal à suivre mes études jusqu'au CEM, lassé de perdre mon temps, alors j'avais
décidé de tout laisser tomber, en abandonnant l'école à un âge précoce. » De là
commença son périple dans l'attente d'une issue. Des petits boulots, il en a
eu, mais la malchance le guettait à chaque fois et d'ajouter « j'aurais aimé
m'installer à mon compte personnel, seulement il fallait avoir les moyens, ne
serait-ce que pour démarrer. De nos jours, il est difficile pour un jeune de
réussir, j'en connais beaucoup qui sont dans mon cas, exclus de l'école, ils
espéraient se faire une place au soleil et c'était la grande désillusion. Pour
mon cas, mes frères et sœurs attendaient de moi, un coup de main. » Et pourtant
Ahmed n'est pas du genre à abdiquer, si facilement, il continue à vivoter, çà
et là, « pas de regret pour l'école, c'est du passé aussi amer soit-il, je
n'avais pas le choix, j'aurais souhaité acquérir un savoir-faire dans un métier
quelconque, à travers un cycle de formation pratique et appropriée, cela me
permettra, certainement, de prétendre à mieux. Finalement ce sont les aléas de
la vie et j'essaierais de les dépasser, avec un peu plus d'expérience, in
challah ! » Des Ahmed, il en existe partout, on les observe, à chaque instant,
dans ces ruelles commerçantes, débarquer leurs lourds ballots, pour prendre
possession des espaces, le regard hagard et l'avenir incertain.