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Tunisie : La réouverture du musée du Bardo reportée pour raisons de sécurité

par Antoine Lambroschini, Inès Bel Aiba De L'afp

La réouverture au public du musée Bardo a été reportée sine die mais une cérémonie officielle symbolique devait s'y tenir hier mardi pour rendre hommage aux 21 victimes, moins d'une semaine après l'attaque revendiquée par le groupe djihadiste Etat islamique (Daech). La cacophonie régnait sur les motifs du report de la réouverture annoncée initialement pour mardi par les autorités: le musée a évoqué «des raisons de sécurité», une explication démentie ensuite par le gouvernement qui arguait «de travaux à finir».

Enfin, le ministère de la Culture a lui mis en avant des «problèmes de logistique» empêchant l'ouverture du site «à des milliers de gens». Une cérémonie officielle allait néanmoins se tenir dans l'après-midi, avec notamment un concert de l'Orchestre symphonique tunisien en hommage aux 20 touristes étrangers et au policier tunisien tués dans l'attentat. Elle ne sera ouverte qu'à des invités et aux médias. Le musée «va rouvrir dans les plus brefs délais, je ne sais pas exactement quand car il y a des travaux à finir. Le musée est très bien sécurisé je peux vous l'assurer», a dit à l'AFP, Mofdi Mssedi, chargé de la communication du Premier ministre Habib Essid. Les responsables du site avaient fait état de dégâts mineurs, après l'attaque à l'arme automatique du 18 mars menée par deux hommes armés de kalachnikovs qui ont été ensuite abattus. Cet attentat avait mis en évidence de graves défaillances des services de sécurité autour du musée et du Parlement qui se trouvent dans la même enceinte. Un troisième suspect est toujours en fuite.

Le Premier ministre a limogé lundi plusieurs responsables de la sécurité, dont les chefs de la police de Tunis et du Bardo. Un policier, chargé de la sécurité au musée, a été écroué pour des raisons non précisées par le parquet du fait du secret de l'instruction.

Divers rassemblements étaient aussi programmés hier devant le musée du Bardo pour dénoncer l'attaque, la première à toucher des étrangers en Tunisie depuis un attentat contre une synagogue à Djerba en 2002. C'est aussi la première revendiquée par DAech, qui sévit en Syrie, en Irak mais aussi en Libye voisine de la Tunisie. Une manifestation organisée par des internautes a rassemblé quelques centaines de personnes dans la matinée, ainsi que des touristes qui pensaient pouvoir visiter le plus prestigieux musée du pays. Portant tambourins et pancartes dénonçant l'attaque, ils reprenaient en choeur des slogans comme «Tunisie libre, terrorisme dehors». «Je veux que les touristes viennent, il faut que nous venions pour donner l'exemple», a dit à l'AFP une manifestante, Najet Nouri. «On ne nous avait pas dit que c'était reporté. Nous sommes venus visiter le musée. (Mais) Non, je n'ai pas peur. Ce n'est pas plus sûr à Paris qu'ici», a assuré pour sa part Eliane Cotton, une touriste française. La police a renforcé son dispositif en installant de nouvelles barrières aux abords du musée et du Parlement. La route y a été fermée à la circulation en milieu de matinée. Dans l'après-midi, la marche inaugurale du Forum social mondial (FSM), la grande messe altermondialiste qui se tient à Tunis jusqu'à dimanche et doit réunir des milliers de participants tunisiens et étrangers, défilera aussi vers le Bardo.

Dimanche, la présidence tunisienne dit vouloir organiser, elle aussi, une marche et espère recevoir à cette occasion la visite de responsables étrangers. Le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, présent à Tunis mardi, devait se recueillir au musée où quatre ressortissants italiens sont morts. L'attaque du Bardo fait planer une menace sur le tourisme, secteur vital de l'économie du pays, et les autorités tentent de relever le défi de la sécurité pour empêcher de nouveaux attentats, l'EI ayant menacé de mener d'autres attentats. Les deux assaillants du musée étaient deux Tunisiens formés dernièrement aux armes en Libye, selon les autorités. Quelque 3.000 Tunisiens sont partis en Syrie en proie à la guerre civile et en Irak miné par l'instabilité. Des centaines se trouvent en Libye, pays livré aux milices, dans les rangs de groupe djihadistes comme Daech. Environ 500 de ces djihadistes seraient revenus en Tunisie.