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Conflit yéménite: l'Arabie saoudite prête à tout

par Kharroubi Habib

« L'arc chiite» constitué par l'Iran, l'Irak post-Saddam et la Syrie que dénonce et combat de façon multiforme la monarchie saoudienne y voyant le semeur de trouble et la menace majeure pour la stabilité de la région pourrait bien s'étendre jusqu'à cerner son royaume au cas où les milices houtistes d'obédience elles aussi chiite l'emportent au Yémen, comme cela le laisse présager leur avance dans le sud du pays en direction du port d'Aden après avoir pris le contrôle du Nord et de la capitale Sanaa.

La perspective de l'extension de cet « arc de cercle » chiite au Yémen affole à Ryadh d'où l'on multiplie les appels à l'intervention militaire contre les milices houtistes accusées d'avoir réalisé un « coup d'Etat » contre le gouvernement yéménite légal. L'Arabie saoudite et ses alliés émiratis ont saisi dans ce sens les Nations unies qui ne semblent pas disposées à agir comme le voudrait Ryadh. Même l'allié stratégique du royaume, les Etats-Unis, n'apparaît pas résolu à s'impliquer militairement dans le bourbier yéménite. Ce que constatant, Ryadh brandit la menace d'une opération militaire saoudienne avec la coopération de ses alliés du Golfe. L'opération serait à gros risque pour les armées sans expérience et non préparées des pétromonarchies.

Ryadh le sachant va probablement chercher à convaincre l'Egypte d'impliquer à leur côté ses troupes. Le président égyptien El Sissi ne pourrait apparemment se soustraire à une sollicitation du genre de la part d'Etats qui maintiennent financièrement à flot l'Egypte permettant ainsi à son régime de n'avoir cure des remontrances et dénonciations dont il est l'objet de la part des puissances occidentales sur sa nature répressive et liberticide.

Le surprenant et spectaculaire appui que les pétromonarchies ont accordé à El Sissi et à l'armée égyptienne contre le président Morsi issu des Frères musulmans s'expliquerait alors de la façon la plus éclairante qui soit. Les pétromonarchies se seraient ainsi acquis la reconnaissance de la principale puissance militaire arabe de la région et l'engagement de sa protection en cas de leur conflit ouvert avec les protagonistes de « l'arc chiite ».

El Sissi ne refusera pas à l'évidence pour l'Egypte ce rôle de puissance protectrice que lui demanderaient d'assumer les pétromonarchies. Ce qui serait façon pour elle de renouer avec un statut que lui ont fait perdre les politiques suivies par ses deux prédécesseurs Anouar Sadate et Hosni Moubarak et qu'El Sissi cherche à lui redonner comme le montrent ses prises de position sur les conflits régionaux.

Mais dans ce jeu où les arrière-pensées de ses acteurs ne convergent pas forcément, l'Egypte pourrait en être le dupe comme l'Irak de Saddam Hussein l'a tragiquement été quand les mêmes pétromonarchies l'ont poussé à la confrontation militaire avec l'Iran sous prétexte de la menace chiite que ce pays ferait peser sur le monde arabe majoritairement sunnite. Pour sauver leurs trônes et dynasties, les pétromonarchies sont capables de nouer les plus improbables alliances y compris celle avec Israël qui ne raterait certainement pas l'occasion de voler à leur secours pour être reconnu au final par elles en tant qu'Etat et puissance prépondérante dans la région face à « l'ennemi » iranien chiite.