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Des vacances pas comme les autres

par Rekibi Chikhi

Les plus importants établissements à vocation culturelle, étant en chantier en prévision de la tenue de l'événement tout proche, «Constantine capitale de la culture arabe», n'ont pu concocter de ce fait quelque chose pendant ces vacances scolaires du printemps qui divertirait un tant soit peu les enfants scolarisés sortis d'un trimestre à grandes turbulences. La maison de la culture Malek Hadad, le palais de la culture Mohamed El Aïd El Khalifa, le Théâtre régional de Constantine (TRC) subissent les dernières retouches des opérations de réhabilitation en prévision du 16 avril, date à laquelle sera donné le coup d'envoi d'une année emplie d'activités culturelles de tout genre.

Hier, le thermomètre affichait 22 degrés à Constantine et c'est la belle période des vacances scolaires du printemps, les journées gagnent de la chaleur et commencent à s'étirer. Cela fait du bien là où les longues journées froides, qu'on a fini par croire interminables, ont fait mal, beaucoup de mal. Mais c'est également, aussi paradoxal qu'il paraît, la période la plus redoutée aussi par les parents, les jeunes et enfants n'acceptent en aucun cas de rester «emprisonnés» à la maison. C'est le lot partagé par toutes les wilayas de l'intérieur qui sont privées de cette simple option, passer la journée au bord de la mer à la fin de laquelle grands et petits reviennent toujours satisfaits. «Comment occuper les chérubins pendant toute une quinzaine de jours de vacation, par des activités à travers lesquelles ils pourront se dépenser sans trop dépenser aussi ?», se disent tous les parents constantinois à chaque arrivée des vacances. Les quelques aires de jeux implantées çà et la à travers la ville de Constantine étaient ou bien vides ou fermées carrément, on protège le matériel des dégâts qui pourront être occasionnés par les éventuels saccageurs, dit-on. «Les enfants de cette génération à peine dépassé les cinq ans, n'aiment plus comme nous, quand nous étions petits, les balançoires, on adorait cela même en ayant atteint l'âge de l'adolescence», nous confie un père de famille nostalgique. Décidément, en l'absence de lieux de distraction de «masse», occuper son enfant devient une corvée, à part entière. «Il leur manque de l'innovation et de la créativité à ces enfants d'aujourd'hui, à notre époque on n'encombrait pas nos parents, on savait s'amuser avec un presque rien, les filles fabriquaient elles-mêmes leurs poupées avec des chutes de tissus, aujourd'hui, les filles ne jouent plus à la poupée. Les garçons, eux, fabriquaient avec des morceaux de fils de laine et des morceaux de sacs de plastique découpés, des ballons. Le mot «ennui» que maîtrisent tous nos enfants maintenant, dès l'âge de trois ans, n'a jamais effleuré nos petites têtes, les garçons pouvaient passer des journées entières à jouer aux billes, sans se lasser», renchérit une maman quadragénaire. Et d'ajouter : «On rivalisait dans la création de nos jeux personnels et la confection de nos propres jouets, maintenant, si tu n'achètes pas des trainings de marque et un ballon de foot haut de gamme pour ton fils, tu ferais mieux de laisser tomber l'idée qu'il puisse s'amuser sans cela». Autres temps, autres mœurs, dit-on, c'est donc les cybercafés et les salles de jeu de Playstation qui offrent l'unique palliatif. «C'est mieux que de rester à la maison, quand même», nous déclare un lycéen résigné. Au niveau des quartiers du centre-ville où les rues à grande circulation écartent toute idée de s'aventurer dans la rue, «durant toute cette quinzaine de jours, vu le danger qui les guetterait dehors, nos enfants se disputeront les marches des escaliers et les entrées des immeubles avec tout ce que cela pourrait engendrer comme hostilités entre les voisins», nous a informé une mère surveillant ses deux enfants en train de jouer au ballon avec les enfants des voisins. Dans les quartiers dits populaires, c'est la rue qui accueille volontiers, les bras grands ouverts sur tous les dangers, ces petits avec la complicité de la démission parentale. « Il m'est impossible, même si je le voudrais bien, de garder mes enfants à la maison, ils me casseraient sûrement la tête si je le fais, franchement, je préfère qu'ils restent dehors pendant leurs vacances et ne rentrer que pour manger ou dormir, comme ça, tout le monde trouvera son compte», nous dit une mère. Soulignons que les deux parcs d'attractions et de loisirs de la wilaya de Batna et de Sétif sont devenus une option incontournable pour non seulement des familles constantinoises mais bien de toutes les villes intérieures de l'Est y compris celles du Sud. «Des excursions vers ces parcs ont été organisées par les établissements scolaires mais pendant les vacances, on aimerait bien trouver des activités quotidiennes dans un lieu de proximité».

Djebel El Ouahch avec ses lacs et sa flore offre un lieu idéal pour l'implantation de ce genre de projets, le manque de sécurité qui y règne actuellement empêche les familles de l'investir, «on attend toujours un investisseur qui exploitera cet endroit pour le bien de toute de la population de la wilaya de Constantine et que l'on veille à la protection du matériel des actes de vandalisme dont a été victime l'ancien matériel», souhaite un père. La nouvelle ville Ali Mendjeli, un endroit cosmopolite ayant drainé toutes sortes de classes sociales, des bons et des moins, se partagent les immeubles, «tout peut basculer au drame ici, il faut toujours s'attendre au pire quand des jeunes se disputent pour un presque rien, les plus jeunes sont exposés de ce fait à tous les dangers, si on les laisse sortir s'amuser avec leurs camarades», se plaint un père de famille qui considère que la forêt d'El Méridj représente le seul poumon relativement sécurisé par lequel peuvent souffler les familles constantinoises qui attendent toujours la concrétisation du projet «Aquaparc». «Il n'y a qu'une seule piscine à Constantine et elle ne suffit pas à toute la population majoritairement jeune de la ville», nous déclare une mère de famille, et d'ajouter : «Certains propriétaires opportunistes de villas offrent la possibilité de se baigner dans les piscines aménagées à l'intérieur de leurs propriétés, saisissant le manque en la matière, contre la somme de 50 DA par heure et encore il faut se réveiller tôt pour avoir une place, sans pour autant garantir les bonnes conditions de sécurité et d'hygiène». Pendant les vacances, que ce soit celles d'hiver, de printemps ou celles d'été, les Constantinois n'ont pas décidément l'embarras du choix, mais «on n'a qu'un seul et unique choix, c'est celui de l'embarras», nous dit un Constantinois sarcastique. Les seuls à être épargnés par tout ce casse-tête, ce sont bien les élèves des classes terminales qui se dirigeront en masse et en force aux cours de soutien pour rattraper un tant soit peu de ce qui devrait être rattrapé.