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Une violence qui interpelle

par Kharroubi Habib

Aux critiques et menaces formulées contre l'opposition par le président Bouteflika dans son message à l'occasion de la célébration du 19 mars « journée de la victoire », des leaders de partis s'en revendiquant ont aussitôt répliqué avec une virulence qui donne à comprendre qu'ils sont nullement intimidés par les propos présidentiels et la perspective qu'ils annoncent d'un durcissement de l'attitude du pouvoir à l'égard de l'opposition.

D'abord presque tous ont souligné que la « sortie » de Bouteflika contre l'opposition faite d'insultes et de menaces est le signe que lui et son clan paniquent et ont perdu la maîtrise de soi. Des insultes et menaces que le président du RCD, Mohcine Belabbas, a estimé « rappelant étrangement celles employées par El Gueddafi quelques mois avant sa chute ». Si Benflis n'a pas osé ce parallèle, il n'en a pas moins asséné que « dans sa lettre comme dans son esprit, le message prétendument présidentiel n'en est manifestement pas un car il n'en a ni la hauteur de vue, ni le sens de la mesure et de la responsabilité, ni la vision toujours rassembleuse qui forment les traits distinctifs des messages présidentiels respectables ».

Il est vrai que la teneur des propos de Bouteflika à l'égard de l'opposition a été d'une violence inouïe qui interpelle sur les raisons qui l'ont poussé à y recourir, lui qui affecte de la considérer comme composée de « pseudo-hommes politiques » déconnectés de l'opinion publique et sans crédit auprès des citoyens. Ce qui peut expliquer le coup de semonce présidentiel à l'endroit de cette opposition est qu'il se serait aperçu que sa contestation et les revendications qu'elle formule sont en train de constituer un nouveau rapport de force entre elle et le pouvoir dont des segments font maintenant plus que leur prêter une oreille attentive.

Mais de là à penser comme semble l'avoir fait Bouteflika qu'il suffit d'intimider par la menace cette opposition qui réclame avec insistance son départ, c'est assurément que dans le clan présidentiel l'on se méprend sur le degré de la détermination à laquelle leurs opposants se sont résolus. Une détermination dont Bouteflika semble en avoir conscience puisqu'il accuse les animateurs de l'opposition de s'être « laissés glisser sur la dangereuse pente de la politique de la « terre brûlée » dans le dessein d'arriver au pouvoir même en mettant notre Etat en ruine et en marchant sur les cadavres des enfants de notre peuple ».

Quoi qu'il en soit, la certitude est que la contestation entretenue par l'opposition s'avère ne pas être un feu de paille que le président peut étouffer en brandissant la menace d'une répression ferme contre ceux qui l'ont allumé et entretiennent. Comme le prouvent leurs réactions au message présidentiel, ces derniers n'ont nullement l'intention de plier sous la menace. Il y a fort à parier que c'est en persistant dans leur opposition et en assumant les conséquences que cela aura pour eux au plan répressif qu'ils gagneront dans la dignité leurs galons de véritables hommes politiques que Bouteflika leur dénie et qu'ils n'ont pas effectivement encore acquis auprès des citoyens qui n'ont vu en eux jusque-là que des velléitaires ou des intermittents de la politique à qui ils ne peuvent accorder leur confiance et donner leur adhésion.