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La traite des vaches et le grimoire !

par El-Houari Dilmi

C'est l'histoire «vache» racontée, les lèvres? cousues de fil blanc, celle de Larbi, un homme qui fit tout son beurre, en sectionnant tous les pis taris de ses vaches sacrifiées. Traversant une longue et douloureuse période de vaches maigres, Larbi se serra la ceinture jusqu'au dernier cran. Cultivant ses champs comme une « terre brûlée », il décida de ne pas sacrifier la bête à traire, avant de voir grandir le veau. Et le veau brama pour devenir gros bœuf. Sans jamais s'engraisser assez pour devenir ce taureau géniteur, et prendre la tête de la grande bergerie. Larbi, en voulant toujours fabriquer plus de beurre, se rendit compte, trop tard, que ce n'est pas la vache qui beugle le plus fort qui donne le plus de lait. Vint le temps, ensuite, où même la vache a besoin de sa queue, Larbi eut son plus grand malheur lorsqu'un jour, sa vache préférée agressa son bœuf, devenu comme fou? à lier. Et comme une vache, vue de loin, a toujours plus de lait, Larbi décida de boire du lait, le jour où toutes ses vaches ont bien voulu manger du pain blanc. Mais comme il faut toujours flatter la vache avant de la traire, Larbi se fourra le nez dans la bouse en découvrant que la robe ne fait pas la vache. Ne croyant, jamais pouvoir manger un jour de la vache enragée, Larbi, en ayant recours à sa vache sacrée, décida de fabriquer le meilleur fromage de la région. Victime d'un complot innommable, Larbi, fils de Larbi, fut arrêté et jeté en prison. A l'issue d'un procès ubuesque, il fut inculpé pour intoxication collective? au fromage frelaté. Il passa vingt ans, de sa triste vie, derrière quatre murs décrépis. Dans l'intimité du cachot, Larbi écrivit un Libre Blanc? de poche sur l'homme qui marcha sur la prune ! Dans son « grimoire », Larbi dépeint, avec une plume érodée, la triste saga d'un homme de la terre qui vit toutes ses cultures frappées d'une curieuse maladie. Devenu comme barjot, il décida de brûler toutes ses terres qui donnèrent, la saison suivante, un meilleur blé que le meilleur des avrils pluvieux. Il contribua, ainsi, contre sa propre volonté, à réduire de deux iota la « douloureuse bouftancière » du pauvre bled, payée, chaque année, rubis ? sur la jambe.

Un jour, sans le sou, il reçut de la main manucurée du ministre du Pain National, une médaille à deux revers. Mais quelques jours plus tard, Larbi, fils de Larbi, glissa sur une prune trop blette et mourut le corps fracassé en mille et un morceaux.