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Nouvelles révélations dans l'affaire Saïpem

par Abdelkrim Zerzouri

En conclusion, la révélation de l'enquête menée par le parquet milanais dans l'affaire Saïpem, ficelée le 14 janvier 2015, est un appel téléphonique de l'ancien DG d'ENI, Paolo Scaroni, intercepté le 31 janvier 2013, et où l'on discute de pots-de-vin atteignant les 197 millions d'euros versés entre 2007 et 2010 par Saïpem, la société d'ingénierie pétrolière contrôlée par Eni, en Algérie, en échange de contrats. «Au mois de novembre 2013 j'ai commencé à avoir les premiers rapports me disant que les choses allaient moins bien que la façon dont nous disions. À ce moment, en profitant aussi de cet incident en Algérie, j'ai pratiquement forcé le conseil d'administration de Saipem à démissionner dans ce pays et mettre un nouvel administrateur», disait la voix du DG d'ENI qui affirmait qu'après avoir «regardé les comptes j'ai découvert hier le trou». La voix au téléphone dira, à propos de l'Algérie, «tout à coup, nous découvrons ...le pouvoir judiciaire découvre, pas nous ...le bureau du procureur de Milan découvre que Saipem avait signé en 2007 un contrat d'agence avec une société à Dubaï, ce qui lui donne un certain pourcentage ... Je ne sais pas, autour de 3% pour tous les contrats en Algérie. Sur la base de ce contrat, on a payé 190 millions de commissions... que le pouvoir judiciaire à Milan pense, et je suis également d'accord, ce sont en quelque sorte les pots-de-vin donnés à ... des hommes politiques, des ministres et des bureaucrates algériens, nous ne savons pas qui, mais certains algériens».

Gravissime développement à l'ombre d'un silence pesant de la justice algérienne qui a, elle aussi, ouvert une enquête sur ce scandale après l'éclatement de l'affaire en Italie, lançant dans ce contexte plusieurs mandats d'arrêts internationaux contre Khelil, son épouse, ses deux enfants et Farid Bedjaoui. Si elle innocente Khelil, non cité parmi les accusés principaux, la conclusion du procureur milanais, appuyés des propos interceptés au téléphone, élargit le doute et la suspicion parmi «les bureaucrates et les hommes politiques» ayant un lien avec le dossier gestion des contrats dans le domaine des hydrocarbures, bien sûr du temps de Khelil. En tout cas, la justice italienne semble laisser le soin aux Algériens de découvrir qui sont ces «hommes politiques et ces bureaucrates» dont aucun nom n'a été avancé et qui se trouvent impliqués dans cette affaire de corruption internationale. Selon des médias italiens, citant de sources proches du dossier, sept personnes ont été mises en cause dans cette affaire. Il s'agit de l'ancien directeur général du groupe énergétique italien ENI Paolo Scaroni, l'ex-directeur des opérations de Saipem (filiale d'ENI) Pedro Varone, le directeur général du groupe Saipem en Algérie Tolio Arossi, l'ancien directeur financier de Saipem puis Eni Alessandro Bernini, le responsable de Saipem en Afrique du Nord Antonio Villa, l'ancien directeur de Saipem Pedro Franco Talli, Farid Bedjaoui, présenté comme intermédiaire de Saipem en Algérie, Samir Oraïed ainsi que deux personnes morales. Quant aux chefs d'inculpation retenus par la justice italienne pour l'ensemble de l'infraction présumée, on cite «la corruption dans la compétition internationale à laquelle a été ajoutée la fausse déclaration de revenus par d'autres dispositifs, à savoir par le biais de faux, la fausse facturation et de comptabilité». Pour rappel, la société italienne ENI avait indiqué dans un communiqué, au lendemain de l'éclatement du scandale, que «le résultat des audits ne révèle aucune évidence de conduite illégale ou de corruption par ENI ni l'existence de contrats entre ENI et les tierces personnes actuellement poursuivies». Les audits qui ont été transmis aux autorités judiciaires ont été menés par des tiers à la demande d'ENI. Il est à rappeler aussi que Saipem avait mené un audit similaire par des consultants extérieurs en juillet dernier et avait montré «qu'il n'y avait pas de preuves de paiements de personnalités officielles algériennes». Ainsi, ENI, Scaroni et Saipem dénient avoir eu une mauvaise conduite. Qui doit alors endosser «le rôle des coupables» ? Le verdict est presque mis en délibéré.