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Visite du MAE français à Oran : «Une action ambitieuse des deux pays»

par Ghania Oukazi

Laurent Fabius semble avoir douté quelque peu de la qualité du véhicule que Renault a «construit» à Oued Tlélat dans la wilaya d'Oran, région d'un pays qu'il pense «relativement sûr» en matière de sécurité.

Interrogé, hier, en marge de l'inauguration de l'atelier ?Renault', sur les raisons de son déplacement à Oued Tlélat, le MAE français a affirmé que «c'est un projet important qui a été paraphé par les présidents des deux pays». Il qualifie «d'important», «un projet de l'industrie automobile française, réalisé en Algérie, pour le marché algérien». Laurent Fabius reconnaît d'ailleurs, que «c'est un marché qu'on ne pouvait conquérir de France». Il pense que «ce partenariat algéro-français a, aussi, une portée diplomatique, parce qu'il consacre l'importance des relations, entre les deux pays qui sont, selon lui «de haut niveau.»

Le MAE français s'est exprimé sur la sécurité en Algérie, puisque les journalistes français lui ont rappelé l'assassinat d'Hervé Gourdel, en octobre dernier, en Kabylie. «(?) Au plan général, on sait, tous, que l'Algérie a vécu une période de terrorisme, mais aujourd'hui, c'est un pays, relativement, sûr.» Face «aux Chinois qui ont raflé les grandes parts de marché, en Algérie», Fabius affirme que «les Français doivent être excellents et audacieux, nous ne sommes pas que dans l'automobile, mais dans le logement, les transports (?).» Le monde, dit-il, est ouvert, «il faut être présent, on est très présent, pas seulement en Algérie, mais, aussi, en Afrique.» Parce que, dit-il «l'Afrique est le continent du futur, si la voiture est de 100 pour 1000 habitants, dans ces régions, en Europe, elle est de 500 pour 100 habitants, le marché est donc vierge.»

UN SIMPLE ATELIER D'ASSEMBLAGE

Quelques minutes avant, le MAE français avait assisté à la sortie de la première ?Symbol'. «J'avoue avoir eu une légère appréhension quand cette voiture s'est avancée, mais tout s'est bien passé, au vu de sa qualité,» avait-il lâché. Il semble que, quand il s'agit de l'Algérie, les responsables politiques français aiment bien déblatérer. Cette métaphore (si c'en est une) de Laurent Fabius rappelle, en effet, -encore un doute- celle lancée par le président français, François Hollande à Emmanuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, juste après son retour d'une visite à Alger. «Vous êtes revenu sain et sauf,» lui avait-il dit, sans penser, un instant, avoir remis en cause toute la sécurité d'un pays avec lequel, pourtant, la France dit vouloir «construire des partenariats solides et préserver ses parts de marchés.» Le MAE français s'attendait, peut-être, à ce que la «Symbol algérienne» cale ou s'emboîte, dans un des pans du chapiteau, mais il n'en a, rien, été . Il fera alors l'éloge des trois A (Action, Ambition, Amitié) pour rappeler que le projet a été consacré par la signature du pacte des Actionnaires, par les présidents des deux pays. L'action a été rapide puisque, a-t-il affirmé «un an après, l'usine Renault a été réalisée à Oued Tlelat(?), c'est totalement exemplaire». L'Ambition, pour lui, (2ème A), c'est avant «monter une filière automobile, en Algérie, restait une action ambitieuse des deux pays (?).» L'ambition commune des deux pays, précise-t-il encore «c'est de porter très haut notre partenariat». Il en fait une autre pour un projet de dupes, plutôt trompe l'œil : «Renault s'est plié à la juridiction algérienne». Le dernier A qui est celui de l'Amitié, c'est selon lui, cette voiture qui en est «la Symbol entre l'Algérie et la France.» Jeu de mots.

«Le 1er ministre a dessiné l'Algérie, la France est à vos côtés, pour ce dessin,» a conclu Fabius. Avant lui, en effet, c'est Sellal qui a fait l'éloge d'un projet qu'il a qualifié d'«acquis national collectif.» Il fera savoir que le véhicule Renault est produit dans des délais impartis «même très contractés.» Le 1er ministre a visité, avec lui, un peu avant, l'atelier qui «produit» la fameuse ?Symbol' du groupe Renault. C'est un petit hangar où quelques manœuvres algériens s'affairaient, sous le contrôle de quelques responsables français ou expatriés, à monter les pièces, une par une. La carcasse ainsi que toutes les pièces détachées, Renault les ramène de Roumanie où elle possède une grande usine de construction automobile. Une vraie, celle-là. La main-d'œuvre algérienne étant bien disciplinée, suit avec une grande attention les consignes de montage pour ne pas faire d'erreur et être accusée de mauvaise élève. «L'usine» monte 4 véhicules par heure, pour un nombre prévisionnel global de 15.000 voitures par an. En prévision toujours, 45.000, pour arriver à 75.000 voitures que Renault a promis pour 2019.

Bien que l'on ne saura pas quelles étaient les raisons qui ont poussé le MAE français à dire qu'il a éprouvé «une légère appréhension, à la sortie du véhicule de derrière le rideau ?une belle mise en scène-, on pourrait penser qu'il appréhendait de voir un produit français monté par des Algériens?

«INAUGURATION D'UN ACTE «MONTEUR»

Monté sur les vestiges d'une Sonitex productive, avant sa mise à mort, l'atelier français est une simple filière de montage de véhicules, le plus classique de la gamme Renault, qui a été visité, hier par le 1er ministre, accompagné de plusieurs membres de son gouvernement, de cadres de divers secteurs, de syndicalistes et de responsables régionaux des douanes. Ces derniers ont été conviés à la cérémonie de mise en marche du premier véhicule Renault, monté en Algérie, parce qu'ils sont, peut-être, les plus à même de savoir que tout lui a été importé de Roumanie. Les services des douanes ont été, étroitement, associés à la réalisation de «cet atelier d'assemblage» parce qu'ils sont les «contrôleurs» directs de la voiture française qui arrive, complètement, déboîtée de Roumanie pour reprendre à Oran, sa forme de voiture prête à l'emploi.

Le secrétaire général de l'UGTA a, juste, insisté sur la formation par Renault des personnels algériens, dans l'industrie automobile. Sa présence était de rappeler que la SNVI «grand partenaire» de Renault, a toujours été un fief de la lutte syndicale, l'UGTA, étant largement, représentée au sein de l'ensemble de ses travailleurs.

Reste que le prix de ce produit français, emmailloté en Algérie, n'a été donné que difficilement. Au vœu du ministre de l'Industrie de voir Renault faire un effort pour vendre la ?Symbol', à un prix raisonnable, les Français lui avancent, selon certains, que «la toute option sera cédée à 1,06 million de dinars.» A peu près le même prix que celle que le groupe importe pour les Algériens, de ses usines implantées à l'étranger. Il est curieux qu'un Etat majoritaire dans un projet, peine à faire entendre sa voix pour imposer un prix promotionnel, à la juste mesure de la bourse de ses citoyens. Il faut noter que l'une des clauses du contrat qui lie les deux pays est que le groupe français garde en main le réseau de la distribution de son produit, monté en Algérie. ?Renault Oran' fait le montage des véhicules et les cède au groupe pour qu'il les revende au prix qu'il veut. C'est cela qu'on appelle «engranger les dividendes», sans trop d'efforts, dans un pays qui a, pourtant, tous les atouts pour plaire mais dont les politiques font de la mauvaise politique. «Et toi, pourras-tu me dire qui je suis ?» interroge le film documentaire, diffusé, sous le chapiteau où se déroulait la cérémonie de l'inauguration. La ?Symbol' avance, doucement, de derrière un rideau, Sellal, Bouchouareb et Emmanuel Macron (ministre français du Commerce), sont appelés, par le P-DG de ?Renault Algérie production', Bernard Sonilhac, pour signer la plaque commémorative de l'acte «monteur».