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Un cheval de Troie nommé Renault

par Yazid Alilat

Le constructeur français Renault se frotte les mains. Il vient de réaliser une excellente opération de marketing, alors que les parts de marché du constructeur se rétrécissent partout dans le monde, avec l'inauguration de son usine de production de voitures en CKD d'Oued Tlélat (Oran).

Le projet Renault, né en décembre 2012 à Alger à l'issue de la visite du président François Hollande, s'il consacre dans les faits la solidité du partenariat algéro-français, peut être à juste titre une grande satisfaction pour l'industrie mécanique algérienne. Car la demande de cette unité de montage de voitures Renault va exprimer des besoins spécifiques en sous-traitance, notamment des pièces détachées qui seront, en principe, produites en Algérie, sinon dans le site même de l'usine. Pour autant, il est évident que les concepteurs français du projet, c'est-à-dire le top management de Renault, ne doivent pas faire l'erreur, sitôt les moments d'euphorie dépassés, d'oublier d'associer les sous-traitants algériens à cette usine. Et, surtout, de réduire progressivement le fonctionnement de l'unité de montage selon le principe du CKD (completely knocked down) et donner leur chance aux PME algériennes créées pour ce projet.

Il y a également un autre aspect délicat de ce projet à prendre en charge dès maintenant par les pouvoirs publics, mais également les managers de l'unité Renault d'Oued Tlélat. Il s'agit en réalité de bien doser la production du site par rapport à la demande locale, car le marché algérien de l'automobile peut être vite saturé, d'autant que le constructeur Renault n'est pas seul et qu'il y a sur ce marché algérien de la voiture une concurrence très rude entre constructeurs. Si la cadence de production est de 25.000 voitures an, avec une extension à 75.000 unités dans quatre ans, il y a fort à parier que la structure de la demande connaîtra d'ici là des changements, même si, au sein du gouvernement, le feu vert est déjà donné pour le retour au crédit à la consommation pour les produits fabriqués localement, dont les voitures d'Oued Tlélat.

Ceci pour éviter des désillusions qui ont, ailleurs en France et en Europe, conduit à la fermeture de sites de construction ou la réduction du rythme de production de voitures du fait de la crise économique. Après seulement deux années de fonctionnement, l'usine tangéroise de Renault a dû revoir à la baisse sa production et ralentir la fourniture de ses sous-traitants. La raison, selon son directeur général Jacques Prost, est due à la faible croissance de la demande en Europe. De 340.000 unités/an, cette usine ne construit actuellement que 180.000 unités/an. C'est loin des prévisions et des espérances du constructeur français.

Le modèle marocain est en train de devenir une désillusion pour Renault qui compte rebondir en Algérie. Un pari qui a le soutien des plus hautes autorités algériennes qui y ont investi de l'argent et beaucoup de diplomatie, mais également françaises qui placent leurs espoirs sur ce ?'cheval de Troie'' pour améliorer sensiblement le niveau de leur balance commerciale avec l'Algérie, déjà sous le charme du dragon chinois, devenu premier fournisseur du pays.