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Crise de la pomme de terre : Le stockage abusif décrié par les professionnels

par Salah C.

Alors qu'on s'attendait à la chute de son prix après la mise sur le marché de la pomme de terre de saison à partir du mois d'octobre, il n'en fut rien et la fécule demeure encore trop chère. C'est ce qu'estiment les consommateurs qui n'arrivent plus à situer la faille vu que tous les intervenants s'accusent mutuellement mais avec un seul terme récurrent : les spéculateurs.

Le marché oranais, qui reste le plus gros de la région, ne fait pas exception à la règle en dépit du fait que la wilaya est encerclée par des zones de production avec, à l'Ouest, la région de Tlemcen, à l'Est, Mostaganem, plus loin, Aïn Defla et au Sud, Mascara. Ces atouts ne permettent pas, curieusement, ni une alimentation régulière du marché ni encore moins des stocks de sécurité nécessaires. Selon les professionnels du marché, ces stocks sont, aujourd'hui, éparpillés dans cette vaste zone de production entre les mains de puissants lobbys qui se chargent de réguler, comme ils l'entendent, le marché, très demandeur, de tubercules. D'autres iront plus loin en émettant l'hypothèse de recourir à l'importation pour baisser le prix et contraindre les barons de la pomme de terre à mettre sur le marché leurs importants stocks pour éviter leur faillite. Pourtant, les chiffres, pris dans l'absolu, permettent aisément de dire que la demande nationale peut être couverte par les 4,4 millions de tonnes produites localement. Le 1er responsable de l'Office national interprofessionnel des légumes et viandes (ONILEV) avait annoncé que son office a fait «déstocker 50.000 tonnes en septembre puis 100.000 tonnes pour les besoins de l'Aïd El-Adha». Ceci étant et à la lecture de ces chiffres, il ressort que chaque citoyen a donc disposé au bas mot de 5 kg de pomme de terre par semaine. En somme et selon cette batterie de chiffres, la crise de la pomme de terre ne serait donc qu'une vue de l'esprit. Ce qui, bien entendu, n'empêchera pas les hauts fonctionnaires du ministère de l'Agriculture de conclure, en jetant la pierre à leurs collègues du ministère du Commerce, que ces derniers ne contrôleraient pas les détaillants. Ce qui est vrai dans la mesure où le contrôle est très difficile (pour ne pas dire impossible) lorsque 75% de ces commerçants n'ont aucune existence légale et qu'ils sont de simples vendeurs derrière qui se cachent les barons de l'agroalimentaire. L'avis du président de la Fédération nationale des marchés de gros de fruits et légumes est bien différent. Pour ce dernier, la crise de la pomme de terre a pour origine «l'influence des spéculateurs hors des marchés de gros». La spéculation n'aurait, donc, pour origine que le fameux programme appelé «Système de régulation des produits agricoles à large consommation» (Syrpalac) qui fait que dans une agriculture en crise, les agriculteurs sont devenus par la force des choses des spéculateurs, seule manière, selon eux, d'amortir les dégâts de la crise de la surproduction de la campagne précédente que les pouvoirs ont refusée d'éponger.

La crise de la pomme de terre risque, donc, d'être bien plus longue que les années précédentes étant donné que l'injection de quelque de 250.000 tonnes de tubercules n'ont pas fait fléchir le marché, bien au contraire. Il y a un peu plus d'un an, en pleine crise de surproduction de la pomme de terre, l'ancien ministre de l'Agriculture avait annoncé que son programme prévoyait «la mise en place d'une capacité globale de stockage de quelque 600.000 m³ qui serait étendue, ultérieurement, à 1 million de m³ après la récupération des locaux de l'ex-Office des fruits et légumes». Les professionnels, après s'être accusés mutuellement, affirment désormais que le fameux programme Syrpalac, avec comme objectif premier d'assurer la sécurité alimentaire pour les matières stratégiques en l'occurrence le lait, le blé, les viandes et la pomme de terre, est la seule raison valable de cette pénurie, qui se transforme en crise durable. Ce système, qui ne devait être qu'un moyen de régulation et un élément de stabilité pour le producteur en lui assurant l'écoulement de sa production en cas de surproduction, est, actuellement, le facteur essentiel dans la stratégie de spéculation.