Le 18 octobre
2012, Il y a deux ans, disparaissait à Tlemcen, Fodil Sid Lakhdar, à l'âge de
78 ans, un moudjahid de la première heure qui avait accueilli après
l'indépendance, Ben Bella, Ferhat Abbès, Che Guevara, Raoul Castro. Son nom est
intimement lié à plusieurs évènements qui ont marqué l'histoire de l'Algérie et
de Tlemcen, en particulier, dont la fameuse restitution à l'Etat algérien du
'Méchouar' occupé par l'armée française, dès 1842, après son évacuation par les
Turcs. Le premier décembre 1962, Sid Lakhdar, alors chef de cabinet du préfet Belkherroubi,
avait reçu, au nom du gouvernement algérien, les clés de ce vestige historique
des mains du capitaine Moine, commandant du 63ème Bataillon du génie français.
Transformé en centre du commandement militaire des forces répressives
coloniales, durant la guerre de Libération nationale, C'est dans cet édifice
quadrilatère, datant du XIVe siècle qu'étaient torturés les moudjahidine. De
son vivant, le défunt avait relaté lui-même cette anecdote : «La cérémonie
débuta par la visite des lieux, dira-il, ensuite la descente du drapeau
français, un moment inoubliable mais néanmoins émouvant, devant les dernières
unités blindées. Le capitaine Moine, à ce moment-là, me glisse, fièrement, à
l'oreille : voyez-vous, nous vous laissons un mât tout neuf. Une satisfaction
éphémère puisque quelques instants après, au moment où nous nous trouvions dans
la salle des cartes d'état-major, un véhicule blindé qui venait de quitter
l'alignement, percuta le mât en question et le détruisit. Le
capitaine Moine, le visage rouge de colère, se tourne vers moi et me dit tout
confus : je vous promets que le coupable sera, sévèrement puni, dès notre
arrivée à la base militaire de Bousfer (Oran). Ma réponse a été, quelque peu,
cinglante car je lui répondais: n'en faites rien, que peut représenter un mât
devant les immenses pertes que le peuple algérien a subies ». A ce moment-là
l'officier supérieur français a salué au garde à vous Sid Lakhdar et lui a dit
:
«votre geste vous
honore». Le lendemain il remettait à son tour, officiellement, à l'armée
nationale populaire (ANP), les clés de cette imposante citadelle historique qui
abrite, actuellement, le palais royal des Zianides, totalement restauré.
Brillant élève en Lettres françaises ce qui lui valut d'être toujours classé
premier, Sid Lakhdar, après avoir participé à un concours de recrutement à la
préfecture, à la demande de Ahmed Medeghri (ancien ministre de l'Intérieur dans
le gouvernement Boumédiène) y fut admis haut la main. C'était là le moyen
d'infiltrer l'Administration française ce qui lui a permis de confectionner,
dans l'anonymat des centaines de fausses cartes d'identité avec le sceau de la
République française pour les moudjahidine dont une destinée à Bachir Boumaza,
(qui fut après l'indépendance ministre puis président du Sénat). Ce dernier
activement recherché devait à tout prix rejoindre le Maroc pour une réunion
importante et il a pu traverser la frontière avec, justement, cette fausse
carte libellée au nom de Benmansour Sidi Mohamed, un malade mental, originaire
du village d'Ain El Hout (commune de Chetouane). Le fonctionnaire espion de
l'Administration française a pu avoir accès à des dossiers 'top secret' qu'il
communiquait, régulièrement, au FLN ce qui a permis à la révolution de franchir
des étapes importantes, dans la lutte contre le colonialisme. Après ses heures
de travail, il rejoignait son cousin Othmane pour l'aider à confectionner des
explosifs, destinés à détruire des objectifs militaires. Après l'indépendance,
Air Algérie lui a confié la mise en place des premières dessertes avec Alger
puis avec Paris. Sa disparition a profondément ému la population de Tlemcen qui
l'a accompagné, nombreuse, à sa dernière demeure.