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La GDF, l'argent et? Hamel

par M. Saadoune

Les policiers en colère sont partis, les alentours de la présidence de la République ont repris leur «calme» habituel. Dimanche prochain, selon la promesse d'Abdelmalek Sellal, un comité interministériel se réunira pour décider de l'application des promesses faites aux policiers. Tout rentre-t-il dans l'ordre ? C'est probablement un souhait du pouvoir mais les Algériens ont observé, à distance, la fièvre spectaculaire qui s'est emparée du corps de la police, instrument sécuritaire important, d'un système en panne.

Ce qui s'est passé est grave et il ne sert à rien de le minimiser. Comment cela n'a-t-il pas été anticipé, voilà une question très légitime. Mais au-delà, ce corps de police «apolitique» vient d'administrer, sans le vouloir et c'est l'ironie de la situation, une grande leçon politique au pouvoir. Pour l'ironie de la situation, on peut constater que le pouvoir algérien n'a même pas pu appliquer aux policiers en révolte la fameuse «gestion démocratique des foules, la GDF» chère au général Abdelghani Hamel. Car, ne l'oublions pas, la GDF n'a rien d'une gestion bon enfant, elle sert d'abord à empêcher les gens de manifester sur la voie publique. Fermement, moyennant un relatif respect des formes.

Les policiers, eux, n'ont trouvé devant eux aucune force pour appliquer la «GDF». Ils ont marché. Ils ont, autre ironie, brisé l'interdit de manifester à Alger qu'ils ont appliqué de manière systématique depuis 2001, au lendemain de la marche des arouchs. Les militants, comme les gens de RAJ et d'autres, qui défendent le droit de manifester ne se font pas d'illusion cependant, les policiers n'ont pas créé un précédent. Ce ne sont pas les policiers qui rétabliront le droit des Algériens à manifester dans leur capitale.

La colère policière partie de Ghardaïa pour arriver aux portes de la présidence de la République n'est pas un mouvement pour la démocratie ; c'est une évidence qu'il faut rappeler à ceux qui attendent le grand soir. C'est une affaire qui se déroule, sous nos regards perplexes et inquiets ou persifleurs, à l'intérieur du système. Qui gagne et qui perd dans cette affaire à l'intérieur du système, cela dépend, là aussi, des sinueuses logiques internes et des rapports de forces. De «l'extérieur», on comprend qu'il est difficile pour les tenants du système, les «gagnants» comme les «perdants» présumés de cette grosse secousse, d'accepter de démettre le chef de la police.

Le général-major Abdelghani Hamel essuie un échec spectaculaire avec cette «mutinerie» mais il est paradoxalement protégé, dans l'immédiat, par le «Irhal Hamel» ouvertement affiché par les policiers. Il aurait été plus facile pour le pouvoir de démettre, «sans attendre», le DGSN si les policiers n'en avaient pas fait une de leur première exigence. Par contre, il n'est pas nécessaire d'être «dans» le système et d'avoir ses «codes» pour voir dans le mouvement des policiers un signal clinique de plus de la gravité de la situation. Cela fait écho à l'inquiétude exprimée avant et après la présidentielle sur les risques d'une situation marquée par une paralysie et une perte de cohérence et, surtout, d'efficience du système.

La GDF n'a pas été mise en œuvre face à une manif non autorisée des policiers et le gouvernement a signifié qu'il est prêt à décaisser pour calmer les esprits. On est toujours sur le vieux mode de gestion. A défaut de pouvoir réprimer, on dépense. Jusqu'où ira-t-on alors que des économistes avertissent que l'on va vers une crise économique «sévère» ? C'est la question de l'impasse que les revenus pétro-gaziers ne pourront pas cacher indéfiniment. Il faut changer, c'est une évidence, renégocier le contrat social entre l'Etat et la société et non entre les clans du système.

Mais sous des dehors d'autosatisfaction béate d'une Algérie avec ses «institutions qui fonctionnent», on sait qu'on baigne dans une paralysie morbide et qu'il n'existe aucune impulsion pour prendre les devants et anticiper. En associant les Algériens. On reste dans la logique de la matraque et de l'argent. On est, pour reprendre la boutade d'un confrère, dans une situation semblable à celle d'une famille «qui emmène un malade de diabète doublé d'hypertension chez un cheikh pour une rokia?».