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Installation du nouveau procureur général de la Cour d'Oran : Tayeb Louh met en exergue l'importance de la réforme de la justice

par Houari Saaïdia

M. Tayeb Louh l'a reconnu sans ambages : « Le travail des parquetiers se résume en le traitement des affaires qui leur proviennent de la police judiciaire ». Selon le ministre de la Justice, « les choses ne peuvent plus continuer ainsi car le parquet doit désormais avoir l'œil sur tout, à commencer par l'enquête préliminaire, qu'il aura à approfondir avant même la mise en mouvement de l'action publique. Il devra faire un tri minutieux des dossiers à renvoyer devant le tribunal et de n'en filtrer que ceux où les soupçons de culpabilité (du mis en cause) s'évaluent à plus de 90% ». Cela tient au fait que, selon le garde des Sceaux, les tribunaux se trouvent, en fin de circuit, surchargées d'affaires, dont une bonne partie est inutile et fort encombrante.

D'où, d'ailleurs, l'idée -dévoilée à grand trait par M. Tayeb Louh- qui sera mise en application dans quelque temps et qui consiste à encadrer et mettre sous le contrôle direct et en temps réel d'un « procureur assistant » le travail des enquêteurs, au niveau des commissariats de police et des brigades de Gendarmerie nationale.

Ce sont quelques-unes des mesures « importantes » qui entreront en vigueur à court et à moyen terme, révélées avant-hier jeudi par le ministre de la Justice à l'occasion de la cérémonie d'installation du nouveau procureur général de la Cour d'Oran, M. Bekhlifi Mhamed, dans le cadre du mouvement partiel dans le corps de magistrature opéré récemment par le président de la République.

« Le parquet ne devrait pas attendre les éléments qui lui parviennent de la police judiciaire, d'autant que la société souffre de certains fléaux sociaux, crimes et dépassements », a-t-il fait remarquer, ajoutant que le parquet devrait « être au fait des souffrances de la société et mettre en mouvement l'action publique conformément aux procédures légales ». Dans sa présentation liminaire, M. Tayeb Louh a indiqué, au sujet du parquet toujours, que celui-ci connaîtra une réforme « profonde » qui « lui permettra de contribuer à l'élaboration d'une politique pénale nationale dans le strict respect de la loi et de la procédure garantissant l'exercice des libertés individuelles et collectives, ainsi que les droits fondamentaux du citoyen, et ce à travers le renforcement des pouvoirs hiérarchiques de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire ». « À cet égard, a-t-il poursuivi, seront prévus des mécanismes et moyens modernes permettant au parquet d'assumer pleinement ses missions de direction de l'action publique en s'impliquant davantage et en prenant l'initiative dans le déclenchement et la conduite de l'enquête préliminaire ».

Outre le parquet, la réforme devra toucher aussi la Cour suprême qui ploie sous un nombre considérable de dossiers estimé à quelque 257 000, selon le ministre de la Justice, qui attendent d'être traités. « Le volume considérable des affaires pendantes devant la Cour suprême fait d'elle un troisième degré de juridiction. L'accumulation des affaires au niveau de cette instance judiciaire constitue un grand problème qui n'est nullement lié au niveau des magistrats ni à leur nombre. Augmenter le nombre de magistrats n'est pas la solution, c'est une fausse stratégie. Il faut des solutions courageuses, on doit aller à la réforme. On doit revoir le code de procédure pénale et civile », a-t-il dit. « Dans d'autres pays, seules les affaires d'une grande importance parviennent à la Cour suprême. En Algérie, toutes les affaires sont soumises à la cour, y compris celles liées aux délits et infractions », a-t-il observé. Autres axes de la réforme engagée, « la nouvelle vision de la législation nationale vise à l'introduction de nouveaux standards en matière des droits de l'homme, conformément aux engagements internationaux de l'Algérie, aussi bien dans le domaine pénal que dans le domaine pénitentiaire, particulièrement en matière de politique de réinsertion du détenu, pour prévenir la récidive et assurer la sécurité publique. En ce qui concerne plus spécialement la justice pénale, les mesures en cours visent essentiellement à réduire la surcharge des tribunaux par la mise en place de nouvelles procédures, à garantir la protection des témoins et dénonciateurs dans les affaires de crime organisé et de corruption, et à rendre enfin la riposte pénale plus dissuasive, tout en garantissant la présomption d'innocence et les droits de la défense. « Mais la réforme ne peut être efficiente ni efficace sans la revalorisation des ressources humaines », a insisté le ministre. D'où la priorité donnée à la formation.

« Le système de formation des magistrats connaîtra une réforme profonde et la commission qui en est chargée a déjà présenté les résultats de ses travaux », a précisé le ministre, ajoutant que « la modernisation du secteur de la justice permettra l'introduction de principes fondamentaux, à savoir l'échange de documents et la communication électronique avec les institutions judiciaires et autres, ainsi que l'introduction de la visioconférence (l'audition d'un témoin à distance avec possibilité de procès à distance dans certaines affaires).