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L'épidémie se propage : Ebola sème la panique

par Yazid Alilat

La surmédiatisation des deux cas de la maladie à virus Ebola, dont l'un est mort aux Etats-Unis, alors que l'infirmière espagnole récupère progressivement, a soudainement rappelé la nécessité d'une stratégie de lutte mondiale et, surtout, de l'urgence de mesures plus strictes pour éviter la propagation de la maladie. Les Etats-Unis, qui ont enregistré au moins un cas mortel, et l'Europe commencent à mesurer le degré de dangerosité d'une épidémie qui a déjà fait plus de 4.000 morts en Afrique de l'Ouest. Le Conseil de sécurité de l'ONU a qualifié la maladie à virus Ebola de «plus grave urgence sanitaire de ces dernières années». «La progression sans précédent de l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest représente une menace pour la paix et la sécurité internationales», a de nouveau martelé mercredi soir le Conseil. Face à la rapide propagation de la maladie et les alertes de l'OMS, le Conseil de sécurité de l'ONU a réclamé une hausse «spectaculaire» des aides des pays membres pour lutter contre cette épidémie qui fait maintenant peur. Selon le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) établi le 12 octobre dernier, la fièvre hémorragique a fait 4.493 morts sur 8.997 cas enregistrés dans sept pays (Liberia, Sierra Leone, Guinée, Nigeria, Sénégal, Espagne et Etats-Unis). Pis, l'OMS craint jusqu'à 10.000 nouveaux cas par semaine prochainement en Afrique de l'Ouest, au lieu d'un millier actuellement. Le taux de mortalité pour le virus Ebola est de 70%. Toutefois, il baisse une fois passé le seuil de 15 jours après l'apparition des premiers symptômes. Depuis jeudi, des mesures additionnelles de contrôle ont été instaurées dans quatre aéroports américains (Liberty à Newark, près de New York), O'Hare à Chicago, Hartsfield à Atlanta, et Dulles à Washington. Le Congrès US examine en outre la proposition de fermer les aéroports américains aux vols en provenance de l'Afrique de l'Ouest.

En France, le président François Hollande a annoncé la mise en place «d'un dispositif de contrôle à l'arrivée des vols en provenance de la zone touchée par le virus». Il a été déployé à partir de ce samedi dans le seul aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle à Paris. En outre, plusieurs pays occidentaux dont certains sont désormais directement touchés par des cas de contagion sur leur sol, ont décidé de renforcer les mesures de contrôle aux frontières.

 Par ailleurs, les chefs d'Etat des neuf pays de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (Alba) vont se réunir lundi à La Havane afin de se préparer à une éventuelle apparition du virus Ebola dans la région, ont annoncé les autorités cubaines. Ce sommet a «pour objectif d'accentuer la coopération régionale pour la prévention et la lutte contre ce virus», a annoncé le ministère cubain des Affaires étrangères dans un communiqué. La veille, la ministre vénézuélienne de la Santé, Nancy Perez, avait annoncé la tenue de cette réunion des neuf pays d'Amérique latine et des Caraïbes, mais seulement au niveau des ministres de la Santé.

L'Alba rassemble l'Equateur, le Venezuela, Cuba, la Bolivie, le Nicaragua et plusieurs petits pays des Antilles tels que la Dominique, Saint-Vincent et les Grenadines, Sainte-Lucie ainsi que Antigua et Barbuda.

Aux Etats-Unis, la psychose commence à s'installer après la mort d'un premier malade d'Ebola et la contamination de deux infirmières. Et, face à cette situation inédite et préoccupante pour les autorités américaines, le président Barack Obama a promis une réponse «beaucoup plus agressive» pour éviter de nouveaux cas, alors que des voix s'élèvent depuis plusieurs jours au Congrès pour fermer le territoire américain aux ressortissants des trois pays les plus affectés par Ebola. Lors d'une visioconférence avec le président français et la chancelière allemande Angela Merkel, Obama a demandé aux dirigeants européens de faire un effort plus important, les Etats-Unis ayant déjà envoyé des centaines de militaires dans la zone de crise et promis de débloquer des centaines de millions de dollars.

L'AIDE S'ORGANISE

De son côté, la présidente de la Commission de l'Union africaine (UA), Nkosazana Dlamini-Zuma, a estimé que l'Afrique, elle aussi, doit «faire plus, en tant que continent, pour mobiliser des ressources humaines» afin de lutter contre l'épidémie. «Quand la communauté internationale a fait ses promesses (d'aide), peu de pays se sont engagés à fournir des ressources humaines», a-t-elle déploré, jugeant insuffisante la centaine de «volontaires» pour l'instant déployés par l'Afrique. En Europe, trois personnes présentant des symptômes suspects ont été hospitalisées jeudi en Espagne en vertu du protocole Ebola, dont un passager d'Air France provenant du Nigéria, alors que la seule malade du pays, une aide-soignante, va un peu mieux.

D'autre part, quinze pays africains proches de la zone la plus touchée par Ebola vont bénéficier d'une aide accrue pour prévenir la propagation de l'épidémie, a annoncé l'OMS qui a indiqué qu'elle ne recommandait pas les contrôles instaurés dans des aéroports.Ces pays identifiés comme prioritaires par l'Organisation mondiale de la Santé, comprennent d'abord les quatre pays frontaliers de la zone touchée en Afrique de l'Ouest: la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali et le Sénégal. Onze autres pays sont sur cette liste: le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Gambie, le Ghana, la Mauritanie, le Nigeria, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Soudan du Sud et le Togo. Tous ont été choisis en fonction des routes commerciales et de l'état de leur système de santé, a précisé dans une conférence de presse à Genève Isabelle Nuttall, directrice du département capacités, alerte et action à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). De son côté, l'Europe a décidé de vérifier l'efficacité des mesures de contrôle au départ des pays africains les plus touchés par l'épidémie. L'Union européenne va «immédiatement procéder à une vérification» de l'efficacité des contrôles anti Ebola mis en place dans les aéroports des trois pays africains les plus touchés (Liberia, Guinée et Sierra Leone), a annoncé le commissaire européen à la Santé, Tonio Borg, à l'issue d'une réunion ministérielle à Bruxelles. Cet audit sera mené en coopération avec l'Organisation mondiale de la Santé dans le but de renforcer les contrôles, si nécessaire, et de permettre une meilleure traçabilité de possibles porteurs du virus. Par ailleurs, selon la présidence libérienne, l'Allemagne a promis de prendre en charge un centre de traitement d'Ebola en cours de construction par l'OMS à Paynesville, une banlieue de l'est de Monrovia. La décision a été annoncée par le coordinateur allemand pour Ebola, Walter Johannes Lindner, qui a assuré que son pays allait aider le Liberia, notamment à reconstruire son système de santé. Il a ajouté que plus de 3.000 personnes en Allemagne s'étaient portées volontaires pour la lutte contre Ebola au Liberia, précisant que 325 (250 militaires et 75 de la Croix-Rouge allemande) pourraient être opérationnels en cas de déploiement.