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Syrie et Irak : Daech poursuit son avancée

par Yazid Alilat

En dépit du ralliement de plusieurs pays à la coalition internationale, menée par les Etats-Unis, le groupe ?Etat islamique' ou ?Daech', poursuit son avancée, en Syrie et en Irak.

En Syrie, la situation est, particulièrement confuse, car il y a, d'un côté, les rebelles qui combattent les forces du régime, et de l'autre les groupes de Daech qui poursuivent, en « solo », leur avancée, dans le pays, et font face autant aux forces du régime de Bachar Al Assad, qu'à celles de la coalition. Une situation, dès lors, vraiment préoccupante pour la Syrie où le groupe terroriste de l' ?Etat Islamique' mène, pratiquement, des actions armées contre les grandes villes de ce pays, sans rencontrer, vraiment, de résistance. Les groupes de ?Daech' assiègent, depuis plusieurs jours, la ville syrienne de Ain Al Arab, ou Kobané pour les Kurdes, majoritaires dans cette ville frontalière avec la Turquie. Les jihadistes de l'EI, selon des correspondants de presse, ont hissé, lundi après-midi, deux drapeaux noirs à leurs couleurs, aux limites-est de la ville. L'un des deux drapeaux a été planté sur une colline et un autre sur un bâtiment situé dans l'est de la ville. Le drapeau noir des djihadistes a été vu, flottant, au-dessus d'un bâtiment de la partie orientale de cette ville, selon un officier turc, cité par des agences de presse. Ain Al Arab est, pratiquement, défendue par une milice locale, alors qu'en face, l'armée kurde hésite à intervenir, malgré le feu vert donné, jeudi, par le parlement pour une intervention armée contre ?Daech'.

Dans la nuit de dimanche à lundi, les combattants syriens de la ville avaient repoussé un assaut nocturne de l'EI, après de violents combats ayant fait 19 morts côté syrien et 27 parmi les djihadistes, indiquait, lundi, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Les djihadistes n'ont pas réussi à prendre la ville, vidée à 90% de ses habitants, avait précisé le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane. L'EI veut conquérir cette ville-clé pour s'assurer le contrôle, sans discontinuité, d'une longue bande de territoire à la frontière syro-turque, selon l'Observatoire syrien. Selon toujours l'OSDH, l'offensive de l'EI, dans cette région syrienne, frontalière avec la Turquie et dont la population est, majoritairement kurde, a fait des centaines de morts, dans les deux camps, depuis le 16 septembre et poussé à la fuite quelque 300.000 habitants, dont 180.000 ont trouvé refuge en Turquie. Si aucune force n'est entrée dans la ville pour soutenir les combattants des ?YPG' (forces kurdes de Ain al Arab), les bombardements aériens de la coalition, dirigée par les Etats-Unis contre des positions de l'EI, autour de la ville, entravent « la progression du groupe » de l'EI, selon M. Abdel Rahmane. Les bombardements américano-arabes, dans la région, où il resterait quelques milliers de civils, ont commencé ces derniers jours. Ces frappes aériennes « ne sont pas suffisantes pour battre les terroristes au sol. Ils (la coalition menée par les Etats-Unis) doivent nous aider avec des armes et des munitions », a déclaré Idris Nahsen, un responsable kurde, à Ain Al Arab. Face à cette situation, la Turquie s'est, pour l'instant, contentée de renforcer sa frontière, une passivité vigoureusement dénoncée par sa population kurde (de 15 à 20 millions) qui l'accuse de laisser faire les jihadistes.

Ailleurs, en Syrie, l'armée a repris, lundi, après un mois d'offensive, une localité, aux portes de Damas, à partir de laquelle les rebelles lançaient des obus sur la capitale, a annoncé la télévision syrienne. « Les rebelles se sont retirés de Doukhaniyé », a indiqué, de son côté, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Le 8 septembre, les forces du régime de Bachar al-Assad avaient lancé une offensive pour reprendre cette localité, à la périphérie sud-est de Damas, après sa prise par des combattants rebelles et des combattants de la branche syrienne d'Al-Qaïda, le Front Al-Nosra. A Jobar, près de Damas, de violents combats opposent l'armée et les rebelles, pour le contrôle de ce quartier qui donne accès à une place principale de la capitale. « L'opération dans la Ghouta se poursuivra jusqu'à ce qu'elle soit, complètement, nettoyée de toute présence terroriste », a souligné une source sécuritaire syrienne.

En Syrie, les Etats-Unis ont mené plusieurs raids aériens contre ?Daech', qui reste, cependant, militairement inquiétant et capable de renverser le régime syrien, selon des observateurs, si une opposition internationale au sol n'est pas envisagée. Car, la rébellion, soutenue par les pays occidentaux, est, actuellement, en train de perdre, au profit de l'armée gouvernementale et les groupes de ?Daech' plusieurs de ses bastions.

IRAK, CONFUSION ET CHAOS

La situation n'est guère meilleure en Irak où le groupe ?Etat Islamique' domine la moitié du pays, avec des avancées rapides sur les grandes villes. A Mossoul, seconde ville d'Irak, devenue le fief de Daech, au moins 25 de ses combattants ont été tués dans des frappes aériennes, visant 3 bases de l'EI, autour de la ville, dans le nord de l'Irak. Des avions de combat ont visé l'EI à Zoumar, à 70 km au nord-ouest de Mossoul, près d'un village appelé Aski Mossoul et dans une ancienne prison, située à l'ouest de la ville. En fait, Zoumar est l'un des objectifs d'une offensive terrestre, lancée par les forces kurdes, il y a une semaine. Les Etats-Unis ont indiqué avoir mené, dimanche, 6 attaques contre des positions des jihadistes. L'Australie, la Belgique et les Pays-Bas, qui ont rejoint la coalition internationale, formée, notamment, de plusieurs pays arabes dont la Jordanie et les Emirats, ont réalisé, ces dernières heures, leurs premières missions aériennes, pour la coalition en Irak. La France, qui participe aux frappes de la coalition en Irak, a annoncé son intention d'y « accentuer » le « rythme de patrouille » aérienne, mais a, de nouveau, exclu, pour le moment, toute frappe française en Syrie.

Par ailleurs, l'EI a annoncé, après avoir décapité un troisième otage de nationalité britannique, un humanitaire, Alan Henning, détenir un autre otage de nationalité américaine. Agé de 26 ans, Peter Kassig, ancien combattant en Irak, est apparu à la fin d'une vidéo de ?Daech', rendue publique, vendredi, qui montrait la décapitation de l'humanitaire britannique Alan Henning. Tous les otages menacés à la fin de vidéos identiques ont été assassinés par les jihadistes. La lutte contre les jihadistes de l'organisation ?Etat islamique' (EI) sera difficile et pourrait durer trente ans, en raison des décisions prises par Barack Obama, selon l'ancien chef du Pentagone Leon Panetta. « Je pense que nous parlons du genre de guerre qui pourrait durer trente ans » et qui pourrait faire peser des menaces sur la Libye, le Nigeria, la Somalie et le Yémen, a déclaré l'ex-secrétaire américain à la Défense (2011-2013), dans un entretien à ?USA Today', paru lundi. Fort de dizaines de milliers d'hommes, recrutés sur place et à l'étranger, notamment, en Occident, l'EI a profité de la guerre civile en Syrie et de l'instabilité en Irak pour s'emparer de larges pans de territoires, dans ces deux pays.