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Biden la gaffe ou cynique délateur ?

par Kharroubi Habib

L'on doit s'interroger non sur la véracité des accusations formulées par le vice-président américain Joe Biden à l'encontre des alliés régionaux de son pays que sont la Turquie, les Emirats arabes et l'Arabie saoudite mais sur la ou les raisons qui l'y ont poussé. Biden n'a fait que confirmer que ces Etats ont été derrière la fulgurante ascension dans la puissance de l'organisation terroriste l'Etat islamique et d'autres non moins terroristes auxquels les Etats-Unis ont tardivement déclaré la guerre, mais dont la puissance se joue de la stratégie que leurs stratèges militaires ont échafaudée pour les combattre.

Ce qu'a « révélé » sur le sujet le vice-président américain à savoir que ces alliés en question mus par la seule obsession de renverser le président syrien Bachar El Assad ont mené une guerre par procuration entre les sunnites et les chiites et fourni pour cela « des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d'armes » à tous ceux qui acceptent de lutter contre Bachar El Assad, est un secret de polichinelle que seuls ces Etats et Washington ont dénoncé comme mensonger et forgé par Damas et ses alliés. Reste à savoir maintenant pourquoi Biden reconnaît avéré ce que les Etats-Unis se sont évertués à masquer tout en ayant disposé des preuves impliquant leurs alliés régionaux. Pourtant Washington aurait dû en principe continuer à dédouaner ces derniers car ayant accepté d'entrer dans la coalition internationale anti-l'Etat islamique qu'elle a mise sur pied pour combattre cette organisation terroriste.

Biden a-t-il alors « gaffé » ou délibérément chargé ces alliés ? Sachant qu'il exprime souvent tout haut ce que pense Obama dans le secret du bureau ovale de la Maison Blanche disons que la « gaffe » a été délibérément assumée. Dans et pour quel but ? Très probablement au constat que les trois Etats dont il est question se sont intégrés à la coalition bâtie par Washington posent problème aux Etats-Unis car défendant pour finalité à la guerre à laquelle ils participent des agendas politiques respectifs ayant pour objectif des buts qui ne sont pas dans celui que les premiers ont fixé à la coalition sous leur leadership. En les culpabilisant pour leur connivence « ultérieure » avec l'organisation terroriste devenue une « menace mondiale », Biden a très probablement en accord avec Barack Obama fait du chantage à l'égard du trio qui manifesterait une velléité d'opposition aux buts de guerre que poursuit Washington avec sa guerre contre l'Etat islamique.

Le paradoxal s'il en est dans la « révélation » du vice-président américain est que sa charge contre les alliés régionaux de son pays corrobore ce que Damas et ses alliés n'ont cessé d'imputer à ces derniers mais en se faisant traiter de cyniques fabulateurs. N'est-ce pas là message valant ouverture à l'endroit de ce camp sans la collaboration duquel la guerre engagée par les Etats-Unis contre l'Etat islamique et compagnie risque de tourner au désastre pour eux ou du moins s'avérer longue et coûteuse à tout point de vue ? Sous pression comme il semble que Biden les a mis en leur donnant à comprendre que la priorité de la guerre lancée par les Etats-Unis est de défaire l'Etat islamique, la Turquie mais surtout les Emirat arabes et encore plus l'Arabie saoudite sont sommés implicitement à ne plus faire obstacle à la collaboration militaire avec ce camp pour laquelle Washington prépare discrètement le terrain à travers des contacts dont l'aboutissement peut se révéler aussi surprenant que déstabilisant pour le trio mis avec fracas sur la sellette par le vice-président américain.